Une petite révolution écologique se trame dans le milieu de la restauration. La coopérative Retournzy s’attaque à la production de déchets issus des commandes de repas à emporter… en mettant en place un réseau de contenants réutilisables consignés. C’est en février prochain que s’amorcera son projet pilote à Montréal!
Le projet pilote, mis en œuvre en collaboration avec la Société de développement commercial Les Quartiers du Canal, décollera dans 15 établissements de la rue Notre-Dame, dans l’arrondissement du Sud-Ouest. Et l’équipe fondatrice de la coopérative souhaite par la suite étendre son initiative, un arrondissement à la fois.
Projet de transition socio-écologique
« C’est un projet qui semble simple comme ça, mais qui est d’une complexité assez remarquable », nous dit au bout du fil Cindy Vaucher, gestionnaire de projet et membre de l’équipe fondatrice de Retournzy, entreprise d’économie sociale sans but lucratif. « Non seulement c’est un projet qui amène une solution innovante, mais c’est aussi un projet de transition socio-écologique. C’est une nouvelle manière de faire qui va changer les habitudes. »
La coop de solidarité, comme l’indique son logo, collabore avec des restaurateurs afin de mettre à leur disposition des contenants durables destinés aux plats à emporter, dans une perspective zéro déchet qui va plus loin que les contenants recyclables ou compostables.
« Même si c’est beaucoup de travail, tous les matins, on se sent très bien parce qu’on sait pourquoi on le fait : réduire les déchets à la source dans le monde de la restauration », affirme d’une voix joviale Mme Vaucher.
Si l’on se fie au succès de la fameuse tasse à café bleue consignée de l’organisme La vague — adoptée dans 400 cafés au Québec —, le destin du réseau circulaire imaginé par Retournzy, qui se voue à la sensibilisation des consommateurs comme des professionnels de la restauration, s’annonce sous de bons auspices. D’autant que sa campagne de sociofinancement, qui s’est terminée en octobre dernier, a dépassé les attentes. L’appui est donc au rendez-vous.
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Contrer la crise des déchets… pandémiques
Avec son réseau d’économie de partage, Retournzy combat une crise exacerbée par la pandémie de COVID-19 : la surconsommation de contenants jetables issus des commandes de repas à emporter, celles-ci ayant augmenté de façon draconienne. Sans compter que des établissements avaient cessé d’accepter les contenants réutilisables des consommateurs.
Cindy Vaucher a constaté, durant la pandémie, qu’elle n’était pas seule à se priver de commander des repas à emporter en raison des contenants. « Les déchets que les commandes à emporter généraient me rendaient mal à l’aise à m’en couper l’appétit », confie-t-elle.
« En voyant les plats jetables sur la table, on s’est dit qu’il fallait faire quelque chose », poursuit-elle. Le « on », ce sont d’autres citoyens engagés comme elle dans la réduction des déchets au quotidien, qui se voyaient contraints par la pandémie à commander pour emporter afin de soutenir leurs restaurateurs locaux.
Florian Maysonnave, qui allait devenir membre cofondateur de la coop, et elle ont sondé des professionnels de la restauration au sujet de ces contenants. Si certains en mode survie ont admis ne pas mettre l’écologie au premier plan en ces temps pénibles — « et ça se comprend totalement », tient à dire Mme Vaucher —, d’autres ont voulu contribuer à la solution; quelques-uns se sont même joints à Cindy et Florian. Ainsi a vu le jour la coopérative Retournzy.
La Ville de Montréal, bien consciente que les contenants jetables représentent la majeure partie des rebuts jonchant ses rues et ses parcs, et que les sites d’enfouissement débordent, bannira d’ailleurs d’ici mars 2023 les plastiques à usage unique, omniprésents en restauration à emporter.
Le modus operandi
Comment le réseau de contenants réutilisables fonctionnera-t-il exactement? Ce sera très simple : Retournzy fournira aux restaurateurs, traiteurs et autres services alimentaires membres de la coop les contenants servant aux plats à emporter. À l’achat, le client paiera une consigne et pourra ensuite retourner son contenant dans n’importe quel établissement du réseau, où il récupérera sa consigne.
Retournzy se chargera de récupérer les contenants aux points de dépôt, les lavera et les assainira dans ses installations, puis les redistribuera dans le réseau — et ainsi recommencera le cycle! Les restaurateurs et compagnie n’auront qu’à se concentrer sur leur savoir-faire.
Les contenants sont en acier inoxydable, « un matériau très durable, qui se lave très facilement et qui est sain pour la santé du consommateur : vous pouvez y mettre sans crainte tous types d’aliments — chauds, froids, gras, acides — sans risques », souligne Cindy Vaucher.
L’équipe désirait initialement faire fabriquer les contenants au Québec, par souci de cohérence avec sa mission, mais a dû se tourner vers la Chine. À terme, elle souhaite toutefois parvenir à ramener la fabrication au Québec, ou du moins en Amérique du Nord.
Déjà des éloges!
La démarche écoresponsable de Retournzy a déjà été saluée. En novembre, la coopérative s’est vu décerner l’une des Bourses de la transition de l’Aile jeunesse du Chantier de l’économie sociale dans la catégorie « Économie circulaire ». Elle a en outre remporté le Défi Propulsion Desjardins.
Elle a également présenté son projet en novembre au concours Les Vivats, qui célèbre les organisateurs d’événements au Québec ayant choisi de réduire leur empreinte environnementale et d’améliorer leur empreinte sociale et économique.
Quelles sont les aspirations de Retournzy (une entreprise en démarrage, doit-on le rappeler)? « On souhaite vraiment que le contenant soit en circulation partout au Québec, dit Cindy Vaucher. Ce qui est intéressant avec un réseau comme celui-là, c’est de pouvoir emprunter un contenant dans un quartier à Montréal et de le déposer dans un autre. On voudrait que ce soit valide entre villes, que quelqu’un parte de Montréal avec un contenant et le dépose à Québec, par exemple. »
Retournzy a certes lancé son offensive environnementale au sein du milieu de la restauration, mais a dans sa ligne de mire écoles, établissements ainsi qu’événements tous azimuts où sont consommés en grande quantité des repas à emporter emballés individuellement. « Ce sont tous de possibles membres pour nous, estime Mme Vaucher. On aimerait donner cette possibilité à tout organisateur d’événements ou toute institution qui, aujourd’hui, n’a pas d’autre solution qu’un contenant à usage unique. »
« Un contenant Retournzy avec ça? »
À l’approche de la mise en œuvre du projet pilote, Retournzy sait qu’elle peut compter sur le soutien des irréductibles écologistes et des résidents sensibles aux enjeux environnementaux. « Nous avons déjà discerné une masse critique de citoyens qui ont très hâte d’encourager ce genre de projet », souligne Cindy Vaucher. Elle espère néanmoins que le bouche-à-oreille portera ses fruits. « Notre plus grand rêve, c’est que le réutilisable soit tellement la norme qu’on n’ait plus besoin de l’expliquer », conclut-elle.
Tendez l’oreille cet hiver, peut-être entendrez-vous : « Souhaitez-vous être servi dans un contenant Retournzy? »