Et poussent les épiceries zéro déchet

L'épicerie Alterrenative à Laval
L'épicerie Alterrenative à Laval

Elles prolifèrent hors de la métropole québécoise (où elles abondent dans les quartiers centraux) et s’implantent dans les banlieues et les régions : les épiceries zéro déchet gagnent du terrain, pour le bien-être de l’environnement… et des communautés qui y fleurissent autour d’un mode de vie commun. 

C’est mue par ses valeurs environnementales que la biologiste Amélie Proulx a ouvert la première épicerie zéro déchet sous forme d’organisme sans but lucratif à Laval, Alterrenative, dans Pont-Viau. L’entrepreneure, qui ne vient pas de Laval, est tombée sous le charme du quartier. « Il y a beaucoup de citoyens engagés, de solidarité dans ce quartier, de beaux organismes », nous dit-elle au bout du fil. C’est aux côtés du gestionnaire de projet Mathias Schmidt qu’elle a voulu contribuer à revitaliser le quartier. 

Si les épiceries de produits en vrac abondent à Montréal, l’offre se fait bien plus rare à Laval – deuxième ville du Québec au chapitre de la population, rappelle Amélie. Ayant vu pousser ce type d’épicerie, citant le Vrac Éco à Mont-Laurier, qui a doublé de superficie depuis son ouverture, en 2017, elle avait espoir que son commerce fonctionnerait. 

De son côté, lorsque Dominique Gagné a réalisé le plan d’affaires de son futur commerce de produits en vrac, Espace organique, qui a ouvert ses portes il y a cinq ans à Longueuil, il y avait peu de boutiques de ce type au Québec, nous indique la fondatrice et présidente au téléphone, citant Le Silo, à Sherbrooke, parmi les pionniers. 

Elle souhaitait jouir de ce genre de commerce dans son quartier à Longueuil, une boutique qui offrirait des produits biologiques moins chers et se soucierait de réduire son empreinte environnementale en diminuant les emballages. Ce commerce, elle l’a donc fondé.

« Et ça fait des années que je suis conscientisée sur le fait que le recyclage est une solution qui nous déculpabilise, mais qui n’est pas une réelle solution. Pensons à tout ce qu’on met au bac qui sera finalement jeté. On a appris à se contenter de ça, expose-t-elle. Du moins, il y a cinq ans, c’était comme ça; aujourd’hui, on est ailleurs. »

Avec son commerce zéro déchet, Dominique souhaitait offrir une solution à ces nombreux déchets, recyclables ou non, que génèrent les épiceries ou qui découlent des produits suremballés en supermarché.  

Amélie Proulx, fondatrice de l'épicerie Alterrenative à LavalAmélie Proulx, fondatrice de l'épicerie Alterrenative à Laval

 


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Chaleureux et local

Amélie Proulx, d’Alterrenative, souhaitait proposer aux gens qui partagent ses valeurs un endroit chaleureux, bien ancré dans leur collectivité, et reproduire la sensation de proximité inhérente aux commerces de quartier à Montréal. « On veut que les gens se sentent bien lorsqu’ils entrent dans la boutique », affirme avec sincérité Amélie. 

Dominique abonde dans le même sens, mettant elle aussi l’accent sur l’aspect chaleureux de son commerce, sur « l’énergie, la vibration, l’ambiance » qui l’habitent. « Nos clients nous disent souvent que ça leur fait du bien de venir, de prendre le temps », dit en prononçant chaque mot l’épicière, qui œuvre aussi comme professeure de yoga. 

Ce qu’elle leur propose, c’est de vivre une « expérience », sa clientèle formant à ses yeux une « communauté inspirante ». « On n’offre peut-être pas l’expérience client la plus rapide, mais c’est certainement la plus satisfaisante, fait observer Dominique. On en ressort nourri sur plusieurs plans. On essaie d’apporter de bonnes vibrations dans la vie des gens. » C’est par cette voie que ce genre de commerce survivra aux grandes chaînes, à son avis. 

Les épiceries zéro déchet attirent tant des gens soucieux d’éliminer ou de réduire les emballages jetables en utilisant leurs propres contenants que des gens particulièrement sensibles à l’achat local, constate Amélie. Il lui est primordial d’approvisionner la population de Pont-Viau en aliments les plus locaux possible. 

Et par « locaux », elle n’entend pas que « québécois » : les étals d’Alterrenative sont bel et bien garnis de fruits et de légumes récoltés notamment à Laval.

« Une boutique zéro déchet, ça va au-delà de l’épicerie, de l’alimentation : c’est vraiment un lieu où convergent diverses clientèles, mais qui partagent une vision, des valeurs, souligne Dominique, d’Espace organique. On a réussi à créer une communauté autour de ça. » 

Des fournisseurs bien choisis

Amélie et Mathias, d’Alterrenative, ont repensé la chaîne d’approvisionnement au complet, privilégiant non seulement le circuit le plus court possible, mais également des fournisseurs à leur image.

Ainsi, certains livrent leurs produits dans de grosses chaudières qu’Alterrenative retourne pour qu’elles soient nettoyées, stérilisées et remplies de nouveau. Ces gestes, que la clientèle ne voit pas, sont au diapason des valeurs de l’organisme et participent à la révolution alimentaire. 

Aux yeux d’Amélie, le fait de préconiser des fournisseurs aux méthodes écoresponsables contribue à influencer l’industrie. « Ça encourage les fournisseurs à adopter des mesures plus écoresponsables, à faire autrement », relève celle qui est membre de l’Association des épiceries zéro déchet. 

D’autant que, financièrement, c’est dans leur intérêt, affirme-t-elle. « Ils constatent que c’est un modèle qui fonctionne et qui prend de l’ampleur. » Si la pandémie a eu raison d’un nombre de boutiques de vrac, d’autres ont le vent dans les voiles, assure Amélie. 

Épicerie AlterrenativeÉpicerie Alterrenative

Un pouvoir significatif 

Face à l’impuissance que peuvent susciter les enjeux environnementaux, Amélie Proulx voit les épiceries zéro déchet comme un moyen de redonner du pouvoir aux gens, en leur permettant d’agir selon leurs valeurs. Ces actions concrètes, « ça envoie un message fort. Il faut croire que notre geste est significatif », lance Amélie. Ce n’est pas ce qui a le plus de répercussions, certes, mais ça en a tout de même, relativise-t-elle. 

Faire des choix écologiques comme consommateur et consommatrice, ça « contamine l’entourage », ajoute-t-elle. On s’influence mutuellement; les habitudes écoresponsables des uns peuvent démystifier les rouages du vrac aux yeux des autres. Et des commerces de proximité – et pas juste dans la métropole – engagés à réduire leur empreinte environnementale peuvent ainsi toucher le quotidien des gens de partout.

Dominique souligne justement la mission d’éducation dont est investi Espace organique. « C’est important de parler des enjeux environnementaux, plus que jamais, affirme Dominique, d’expliquer pourquoi c’est important, le biologique, d’encourager de petites épiceries, de ne pas juste comparer des aliments en fonction de leur prix pour le portefeuille, mais en fonction de ce que ça coûte environnementalement et socialement. »

À l’étudiante en biologie qu’elle a été, qui recueillait une foule d’informations sur les enjeux environnementaux et qui se demandait bien quoi en faire, Amélie Proulx peut répondre : une épicerie écologique à échelle humaine.