Mars : y a-t-il de la vie et a-t-on le droit d'y aller?

Mars : y a-t-il de la vie et a-t-on le droit d'y aller?

Donc, il y a de l’eau sur Mars. Qu’est-ce que cela change pour la possibilité de vie sur Mars? Pour l’instant, rien.

Rien, parce que les planétologues savaient déjà que Mars abritait de la glace, et qu’elle avait déjà abrité de l’eau. La possibilité qu’il y ait déjà eu de la vie grâce à cette eau était donc déjà prise en compte, et la possibilité qu’on en détecte un jour des empreintes fossiles dans la roche, ou dans la glace, fait rêver depuis les premières sondes américaines dans les années 1970.

Mais le fait qu’il y ait de l’eau aujourd’hui signifie-t-il que la vie martienne aurait pu survivre jusqu’à aujourd’hui? Pas si vite, répondent depuis la conférence de presse de la NASA, lundi, tous les observateurs — et c’est aussi ce qu’ont prudemment répondu les chercheurs eux-mêmes, autant dans cette conférence de presse que dans leur article, publié lundi par Nature Geoscience.

Le problème, a expliqué par exemple l’un des coauteurs, Lujendra Ojha, de l’Institut de technologie de Georgie à Atlanta, est que de l’eau boueuse, qui coule uniquement lorsque la température grimpe au-dessus des moins 20 Celsius — sur Mars, c’est l’équivalent d’une canicule — ne fournit pas un habitat très propice. De plus, si l'on considère qu’il s’agit d’eau salée — c’est l’autre aspect de la découverte annoncée lundi — ça diminue encore plus les chances pour d’éventuelles bactéries. « Si l’eau est complètement saturée de perchlorates (sels hydratés) alors la vie telle que nous la connaissons sur Terre ne serait pas capable de survivre. »

L’excitation précédant cette conférence de presse aurait été encore plus grande si la sonde en orbite, Mars Reconnaissance Orbiter, avait pu démontrer qu’il existe des lacs souterrains, dont ces filets d’eau seraient la partie émergée. Mais rien dans les données dévoilées hier ne permet d’aller dans cette direction.

Comment en être sûr? Pour beaucoup de biologistes, il faudra aller sur place — ce qui pose le premier problème de... politique martienne : a-t-on le droit d’y aller?

A-t-on le droit d’étudier cette eau?

Un des articles du Traité des Nations Unies sur l’Espace, signé en 1967, interdit la contamination d’autres mondes par des formes de vie terriennes — un article qui avait été spécifiquement introduit en pensant à une situation comme celle qui se présente maintenant. S’il y a de la vie sur Mars en effet, comment empêcher nos sondes spatiales d’aller causer des dommages irréparables? L’expérience acquise, depuis 1967, a démontré qu’une stérilisation à 100 % est impossible...

Poussant plus loin, un organisme international appelé COSPAR (Comité sur la recherche spatiale) a rédigé des « protocoles de protection planétaire » destinés aux puissances spatiales. En 2002, il a publié une liste de « régions spéciales » de Mars : celles où, croit-on, les chances de vie seraient plus élevées en raison de meilleures conditions de chaleur et d’humidité. Cette liste a été revue tous les deux ans et, tout récemment, s’y sont ajoutées sept régions dont les « sillons » sombres sont apparus en 2011 sur les photos de Mars Reconnaissance Orbiter. Il pourrait s’agir de coulées d’eau, avaient tout de suite suggéré les planétologues. La région identifiée à la fin du mois de septembre est l’une d’elles.

Conséquence : une nation qui respecterait ces ententes internationales n’aurait pas le droit d’approcher, même avec un robot stérilisé, la région martienne qui attire cette semaine tous les regards.

Il sera facile de limiter les ardeurs tant qu’il ne s’agira que d’envoyer un ou deux robots vers Mars tous les deux ans. Mais si des humains doivent débarquer dans les prochaines décennies, il faudra commencer à y penser...

Pour en savoir plus

Infographie du Scientific American : comment cette eau coulerait-elle sur Mars?