Notre capacité d’attention a diminué avec les réseaux sociaux : mythe ou réalité?

Une personne utilise son téléphone dans le bus.
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Les lieux touristiques sont bondés de gens aux yeux rivés sur leur téléphone. Les publicités en ligne d’à peine six secondes paraissent interminables alors qu’au début du siècle, celles entre deux segments télévisés duraient deux à trois minutes. Le microblogage et les vidéos courtes gagnent en popularité. Que s’est-il passé? Est-ce que les réseaux sociaux encouragent un déficit d’attention?

 

Réponse : Depuis l’apparition des premiers réseaux sociaux il y a une vingtaine d’années, des études scientifiques observent un déclin marqué de la capacité d’attention. Cette tendance n’est pas uniquement attribuable aux plateformes numériques, mais plutôt à une multiplication généralisée des sources de distraction.

Explication : En 2004 — année de la création de Facebook — la psychologue américaine Gloria Mark et son équipe entreprennent de mesurer la capacité d’attention lors du travail à l’ordinateur. Cette évaluation s’effectue d’abord à l’aide de chronomètres, puis de logiciels qui analysent le comportement à l’écran.

Au début de cette vaste expérience, les gens passent en moyenne 2 minutes et demie concentrés sur une seule tâche, dans une seule fenêtre. En 2012, cette mesure chute à 1 minute 15 secondes. La donnée demeure stable depuis environ 2017-2018… à 47 secondes.

 

Multitâche et coût de commutation

Même si travailler sur plusieurs choses à la fois est devenu courant, toute interruption — y compris consulter un courriel ou une notification sur son téléphone — affecte la concentration et la productivité. Il faut du temps au cerveau pour se réapproprier la tâche en cours et retrouver le fil de ses idées. Ce phénomène s’appelle le coût de commutation.

Une étude de l’université Carnegie Mellon, en Pennsylvanie, soumettant 136 étudiantes et étudiants à un examen par écrit le démontre bien. Une partie du groupe devait éteindre son téléphone intelligent, alors que le reste recevait des textos contenant des consignes importantes sur l’épreuve. En moyenne, ceux et celles ayant à gérer de telles interruptions ont obtenu un résultat inférieur de 20 %.

 

Un problème de société généralisé

À moins de vivre avec un trouble de l’attention, la plupart des gens pourraient très bien se concentrer à accomplir une seule tâche dans un environnement isolé et calme. Le problème, c’est que la vie moderne est remplie de distractions : avoir son téléphone intelligent à portée de main, une culture du travail qui valorise la disponibilité et les réponses rapides, l’accès facile à Internet et l’instantanéité de l’information…

Le professeur américain Joel Nigg compare ce phénomène à celui de l’obésité. Depuis une cinquantaine d’années, cette tendance gagne du terrain en raison de multiples facteurs : changements à la chaîne d’approvisionnement, sédentarité, conception des villes encourageant l’utilisation de la voiture… La qualité de la nourriture n’est pas la seule responsable.

Prendre certaines précautions, comme désactiver les notifications non essentielles sur son téléphone et consulter ses courriels à des heures fixes, représente un pas dans la bonne direction. Mais pour retrouver sa capacité d’attention perdue, la société doit également apporter des transformations à grande échelle; par exemple, en faisant la promotion du droit à la déconnexion.