Biodigesteur : compostage nouveau genre à l’hôpital de Hull

Biodigesteur : compostage nouveau genre à l’hôpital de Hull

Qui dit grand établissement de santé dit grand générateur de déchets – notamment de matières organiques. L’hôpital de Hull, en Outaouais, fournit sa (grosse) part d’efforts en amenant le compostage encore plus loin.

« On est en 2022. On va vers l’environnement. Et la jeune génération adore ça », affirme en visioconférence Joanne Dubois, coordonnatrice des services alimentaires du Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) de l’Outaouais. 

Depuis le printemps 2021, l’établissement traite ses matières organiques sur place à l’aide d’un « digesteur aérobie » – une première au Canada, ce système étant déjà implanté en Europe et aux États-Unis. 

Comment fonctionne-t-il, ce digesteur aérobie? En gros, ça se compare au système de digestion du corps humain, comme l'illustre Mme Dubois, l’appareil « digérant » les matières organiques grâce à des enzymes. Pour ceux et celles dont le cours de biologie daterait (c’est le cas de l’autrice de ces lignes), une enzyme est une protéine qui accélère les réactions biochimiques.

 

Un futur engrais?

En une journée, le biodigesteur transforme les matières organiques en une poudre sèche et, surtout, inodore – « c’est merveilleux », se réjouit Mme Dubois –, appelée du digestat, que l’hôpital souhaite utiliser comme engrais. 

Ce n’est toutefois pas encore possible, comme nous l'explique Eric Ndandji, conseiller-cadre en développement durable et performance à la direction des services techniques et de la logistique du CISSS de l’Outaouais, qui a pris part à l’entretien.

Le CISSS devrait envoyer des analyses en juin au ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques du Québec afin de déterminer si le digestat peut être reconnu comme une matière résiduelle fertilisante (MRF) et servir ainsi à l’épandage. 

Pour l’heure, le CISSS ne peut le donner, mais peut néanmoins l’épandre sur ses propres terrains, à des fins non comestibles, est-il important de préciser. Le digestat prend également la route du site de compostage de la ville. 

Biodigesteur de l'hôpital de Hull

Bien que le biodigesteur ne soit pas implanté à l’échelle du CISSS de l’Outaouais, la collecte traditionnelle du compost, elle, l’était déjà dans plusieurs de ses centres (qui respectent des règles de salubrité très strictes, comme tient à le souligner Mme Dubois). 

L’organisation vise à ce que l’intégralité de ses 21 services alimentaires fasse de la récupération de matière organique d’ici 2024. Cette volonté s’inscrit dans son plan d’action de développement durable, visant notamment à réduire la quantité de déchets destinés à l’enfouissement.

 

Moult bienfaits du biodigesteur

Outre ses bienfaits écologiques patents, le biodigesteur résout un enjeu de taille pour les grands établissements qui génèrent chaque jour une quantité faramineuse de matière organique : l’entreposage lié au compostage traditionnel. 

Un grand hôpital comme celui de Hull produit l’équivalent de 3 bacs bruns de 120 litres par jour, explique M. Ndandji. On parle de plus d’une vingtaine de bacs par semaine – ce qui en prend, de la place. D’où l’idée de transformer la matière en poudre pour économiser l’espace de stockage. Le biodigesteur a ainsi permis de réduire de 70 % le poids de la matière organique traitée chaque jour par l’hôpital, passant de 200 kg à 40 kg.

Autre avantage, majeur lui aussi : moins de déchets signifie moins de blessures du personnel affecté à l’hygiène et à l’entretien. « Car les déchets d’un hôpital, c’est lourd! », souligne Joanne Dubois. 

Nathalie Robitaille, de Synergie Santé Environnement (SSE), organisme sans but lucratif qui accompagne les établissements de santé et de services sociaux dans la réduction de leur empreinte écologique, corrobore les dires de Mme Dubois. « Les employés devaient transporter des sacs très lourds », signale la directrice générale.

 

Les biodigesteurs se propagent

Le biodigesteur a remporté un tel succès à l’hôpital de Hull que le CISSS de l’Outaouais en répartira une dizaine de plus dans ses autres établissements. L’hôpital de Gatineau devrait en être équipé vers la mi-mai, selon M. Ndandji.

Puis d’ici juin, six digesteurs seront installés dans la grande région de Montréal, notamment à l’hôpital Maisonneuve-Rosemont et à l’Institut national de psychiatrie légale, selon ce que nous explique Mme Robitaille. SSE, qui avait justement soutenu le CISSS de l’Outaouais, avait répondu il y a quelques mois à un appel de projets de Recyc-Québec et obtenu 400 000 $ pour acquérir ces six biodigesteurs. 

La Capitale-Nationale leur emboîtera également le pas et en installera plusieurs, toujours selon M. Ndandji. « Bien des établissements réalisent la plus-value. Ça commence », ajoute-t-il. 

 


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Actions des grands générateurs 

Eric Ndandji met l’accent sur cette plus-value sociale; il affirme que la société sortirait gagnante qu’industries, écoles, commerces et autres grands établissements revalorisent les quantités colossales de matières organiques qu’ils génèrent. 

Car n’oublions pas que les déchets organiques envoyés à l’enfouissement émettent, eux aussi, des GES, comme le rappelle M. Ndandji, déplorant que la gestion de ces matières constitue un « pan souvent négligé dans ces établissements ».

« Les efforts qu’on fait en tant qu’industrie, commerce ou institution viennent contribuer à tout l’effort du Québec pour réduire les émissions de GES », dit-il, soulignant le rôle crucial des municipalités sur le plan de la collecte.

 

L’engagement de tout le monde, la clé

Afin de mener à bien un projet de revalorisation de la matière organique, directions, personnel et organisations doivent y croire et travailler de concert, selon Mme Dubois. De la personne qui trie les matières à celle qui transporte les bacs, c’est une chaîne d’employés et d’employées « qui fait en sorte que la récupération fonctionne, poursuit-elle. Je leur lève mon chapeau! » 

Mme Robitaille s’est dite soufflée par la réception du personnel des établissements où seront aménagés des biodigesteurs. « Il manque de monde, les gens sont épuisés, et malgré ça, ils nous accueillent les bras ouverts. Les gens sur le terrain sont des experts de leur milieu, et ils sont heureux de participer aux solutions. »

Selon Mme Dubois, il faut en outre prendre le temps de comprendre les processus et tirer parti de l’expérience des pairs : les embûches rencontrées, les erreurs commises. « Plus on se parle, plus on se dit nos enjeux, plus on apprend. Le risque d’erreur pour les prochains est moindre », résume-t-elle.  

Selon Joanne Dubois et Eric Ndandji, peut-être fallait-il qu’un établissement pave le chemin en prouvant qu’il est possible de valoriser à grande échelle les matières organiques – d’autant plus à l’aide d’un biodigesteur – pour que les autres suivent le mouvement et contribuent à une société plus écoresponsable.