Les bons contenus seront-ils plus difficiles à identifier sur YouTube?

Une personne passe devant une publicité  de la plateforme YouTube.
Photo : Sean Gallup / Getty Images

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Depuis mercredi, il n’est plus possible de voir le nombre de mentions Je n’aime pas sous les vidéos de la plateforme d’hébergement YouTube. L’entreprise affirme avoir fait ce choix dans le but de lutter contre le harcèlement, mais le nouveau changement est aussi un revers négatif pour les internautes qui utilisent la plateforme.


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YouTube affirme avoir pris cette décision pour que les créateurs et créatrices de contenus puissent échapper aux attaques ciblées menées par des groupes qui encouragent à cliquer sur le bouton Je n'aime pas sans même avoir vu une vidéo.

Ces mobilisations en ligne sont plutôt courantes. Des sites comme IMDB ou Metacritic sont aussi préoccupés par cette pratique, des internautes y votent parfois en masse pour faire baisser la note d’un film ou d’un jeu vidéo avec un aspect controversé.

La solution proposée par YouTube pose toutefois un problème assez majeur : il sera désormais encore plus difficile pour les utilisateurs et utilisatrices de la plateforme de différencier les contenus de qualité des autres vidéos moins pertinentes. 

Combiné à la possibilité de désactiver les commentaires, il sera presque impossible de repérer les mauvais ou les bons contenus sans regarder soi-même la vidéo.

La problématique a déjà été soulevée sur les réseaux sociaux par de nombreux créateurs et créatrices de contenus, dont le chroniqueur techno Marques Brownlee (MKBHD, 15 millions d’abonnés), qui s’est exprimé sur Twitter et sur sa chaîne YouTube :

« Enlever des informations du système de notation n’aide personne. Le ratio public des J’aime / Je n’aime pas est un outil efficace pour voir rapidement si une vidéo est utile ou non. Cacher celui-ci ne fera qu’augmenter le nombre de gens insatisfaits d’avoir perdu du temps sur une vidéo inutile. »

Par exemple, des internautes qui cherchent des vidéos d’aide pour régler un problème quelconque pourraient très bien tomber sur des solutions qui ne fonctionnent pas. Si les commentaires sont désactivés, le seul moyen de savoir si les informations reçues sont pertinentes en regard du problème sera d’écouter la vidéo au complet et de faire soi-même le test. 

Cette nouvelle version de YouTube entraînera donc probablement des pertes de temps considérables pour les utilisateurs et utilisatrices de la plateforme, surtout en ce qui concerne la recherche d'évaluations de produits, de tutoriels et de contenus informatifs en général.

Un changement prévisible

Ce n’est pas le premier changement imposé par YouTube sur son système de notation des contenus. En 2010, la plateforme avait laissé tomber son mode d’évaluation sur cinq étoiles pour adopter les boutons J’aime et Je n’aime pas, une décision qui avait aussi fait sourciller les internautes.

À l’époque, l’entreprise avait justifié ce changement en expliquant que la plupart des utilisateurs et utilisatrices donnaient soit la note d’une étoile, soit celle de cinq étoiles aux vidéos, ce qui revenait aussi à un système de notation binaire.

En février 2019, après la notation très négative du YouTube Rewind 2018 (la rétrospective annuelle réalisée par la plateforme), l’entreprise avait déjà laissé planer l’idée de retirer les mentions Je n’aime pas de son site.

La direction de YouTube voyait déjà cette option comme un moyen pour lutter contre les internautes hostiles et les efforts de masse pour faire baisser la note d’une vidéo. 

Elle reconnaissait toutefois que ce n’était pas une option très démocratique, puisque les mauvaises vidéos existent et que les utilisateurs et utilisatrices du site ne font parfois qu’exprimer leur opinion.

Une idée profitable

L’idée était donc étudiée par la direction de YouTube depuis presque trois ans. Les impacts financiers d’une telle décision ont certainement été analysés dans les moindres détails avant d’aller de l’avant.

YouTube, qui appartient à Google, tire la très grande majorité de ses revenus des contenus publicitaires présents sur le site, une stratégie qui lui rapportait près de 25 milliards de dollars canadiens en 2020. 

Si le dernier changement au système de notation force les internautes à regarder plus de contenus en tentant de trouver des vidéos de qualité, c’est aussi plus de publicités qui seront visionnées.

Les contenus à vocation publicitaire auront moins tendances à être enterrés par les Je n’aime pas, ce qui rend aussi la plateforme plus intéressante pour les annonceurs.

Financièrement, c’est donc une décision profitable qui semble présenter peu de risques, même si elle suscite temporairement le mécontentement des utilisateurs et des utilisatrices de YouTube.