Le fait que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ait décrété lundi un état d’urgence pour le virus Zika ne signifie pas que les pays concernés vont soudain recevoir un afflux d’aide et d’argent. Pas si le précédent état d’urgence, autour de l’Ebola, doit servir d’exemple.
Que signifie concrètement un état d’urgence de l’OMS ?
Les premiers pays concernés — le Brésil et, plus largement, le reste de l’Amérique latine — s’engagent à renforcer leurs systèmes de surveillance et de suivi de la maladie, en plus de partager toutes leurs informations. Toutefois, dans le cas d’Ebola en 2014-2015, les trois premiers pays concernés, en Afrique de l’Ouest, en furent incapables, parce qu’ils étaient aussi trois des pays les plus pauvres de la planète.
Le Brésil n’est pas dans la même situation ; il est en état d’alerte depuis octobre, le système de santé fonctionne, l’information circule adéquatement. En un sens, il n’a pas besoin d’argent de l’étranger comme la Sierra Leone, la Guinée et le Libéria en avaient besoin. Des pays plus petits, comme le Salvador, pourraient par contre en avoir besoin si l’épidémie s’étend.
Mais le grand enjeu, c’est pour l’instant l’incertitude sur un lien entre le virus Zika et les cas de malformation du crâne des bébés, ou microcéphalie. « Je déclare que les cas récents de microcéphalie et d’anomalies neurologiques constituent une urgence de santé publique d’intérêt international », a résumé la directrice de l’OMS Margaret Chan lors de la conférence de presse tenue lundi soir à Genève, en Suisse.
Or, cette incertitude ne sera pas résolue du jour au lendemain : il faudra des recherches pour confirmer ce lien entre le virus et la microcéphalie et pour trouver sa source dans le génome du virus, et pour tout cela, il faut un effort international de recherche.
C’est là que l’état d’urgence de l’OMS, de son nom anglais PHEIC (Public health emergency of international concern) joue un rôle : en attirant l’attention sur l’épidémie, l’OMS peut amener des gouvernements à agir plus vite et à déployer des ressources financières, humaines et scientifiques. Autrement dit, le PHEIC est un outil politique : son premier rôle est d’attirer l’attention du reste de la planète. Depuis sa création en 2007, le PHEIC n’a été utilisé que trois fois : en 2009 avec la grippe H1N1, en mai 2014 avec une crainte de résurgence de la polio et en août 2014 avec Ebola.
L’OMS n’avait-elle pas été blâmée pour avoir agi trop lentement sur Ebola en 2014 ?
Oui. L’OMS est un organisme des Nations Unies. Un changement d’orientation majeur dépend de ses pays membres, ce qui peut prendre du temps. Dans le cas de la crise d’Ebola, Médecins sans frontières, qui avait combattu l’épidémie en première ligne pendant des mois, est devenu le plus virulent critique de la lenteur de l’OMS à agir — sa lenteur à admettre que cette crise d’Ebola était de loin plus grave que les précédentes, puis sa lenteur à déployer des ressources sur le terrain.
S’il ne s’agit que de renforcer la surveillance, qu’est-ce qui différencie cette alerte de celle qui avait entouré Ebola ?
Les moustiques. C’est en fait la première fois qu’un de ces états d’urgence concerne une maladie transmise par un insecte piqueur, en l’occurrence le moustique-tigre Aedes. Parallèlement aux recherches sur le génome du virus — pour comprendre son fonctionnement —, des biologistes discutent donc depuis des mois de façons de lutter contre cet insecte :
• en l’éradiquant de certaines régions-clefs par l’épandage massif d’insecticides (le Brésil le fait déjà) ;
Aucune de ces pistes ne fait l’unanimité et l’une des priorités de la recherche sera d’essayer de démontrer que l’une des méthodes sera plus efficace que l’autre.
Et les restrictions de voyage ?
L’OMS n’en recommande aucune — un soulagement pour certains des pays d’Amérique latine dont l’économie dépend beaucoup du tourisme. Cela place l’OMS en contradiction avec le Centre de contrôle des maladies d’Atlanta (CDC) qui a recommandé aux femmes enceintes d’éviter les pays infectés par le zika — soit, à l’heure actuelle, pratiquement toute l’Amérique latine.
Le fait de n’avoir pas imposé de restrictions de voyage pourrait-il être lié à l’approche des Jeux olympiques, cet été au Brésil ? C’est ce que suggère dans Vox le spécialiste en droit de la santé Lawrence Gostin, de l’Université de Georgetown, à Washington. Il voit autrement dit une décision plus politique que scientifique derrière cette déclaration d’état d’urgence.