Un peu de vitamine K? Non merci!

Un peu de vitamine K? Non merci!

À l’hôpital, l’aiguille fait peur… aux parents. À tel point qu’aux États-Unis, une tendance alarmante se dessine : de plus en plus de parents refusent à leur progéniture une simple injection de vitamine K, un soin dispensé aux nouveau-nés de façon systématique depuis 1961 pour compléter les manques de l’organisme. Derrière ce refus, l’ombre du mouvement anti-vaccination et des conséquences sur la santé de l’enfant.

Au Canada, la vitamine K est administrée sous forme de dose intramusculaire unique. Néanmoins, si les parents refusent l'injection l’injection, le médecin peut recommander une dose orale. Aux États-Unis, la présentation orale n'est pas approuvée. Seule l'injection est prônée.

Dans un article publié dans Mother Jones, le journaliste Chris Mooney rappelle que le phénomène a d’abord attiré l’attention médiatique après l’admission de sept bébés pour des hémorragies liées à une carence en vitamine K (anticoagulant). Tous dans le même hôpital de Nashville au Tennessee et sur une période de huit mois seulement. Une série de cas suffisamment inhabituelle pour que les médecins de l’établissement suspectent l’absence d’injection de vitamine K à la naissance.

Dans son Morbidity and Mortality Weekly Report (MMWR) du 15 novembre dernier, le Centers for Disease Control and Prevention (CDC) avance quelques chiffres. À l’hôpital de Nashville, 3,4 % des 3080 nourrissons ont quitté l’établissement sans avoir reçu leur dose de vitamine K, soit le plus haut taux d’injections manquées dans l’État. Dans les centres de naissance, le taux s’élève à 28 %!

Est-ce grave, docteur? Selon le CDC, de 4,4 à 7,2 enfants sur 100 000 sont touchés par ce syndrome hémorragique du nouveau-né. Des cas rares, certes, mais dangereux qui surviennent dans sa forme grave entre la 2e et 12e semaine de vie.

À la clé, des saignements possibles dans différentes parties du corps et même dans le cerveau. De quoi causer des dommages cérébraux irréversibles ou la mort. Le rapport du CDC est clair : le risque relatif de développer la forme grave de la maladie est 81 fois plus élevé chez les enfants n’ayant pas reçu l’injection intramusculaire de vitamine K. Alors, pourquoi s’en priver?

Les raisons d’esquiver l’aiguille

Selon les médecins de l’hôpital de Nashville, il faut inscrire ce phénomène dans un contexte plus large, celui de la peur grandissante des vaccins aux États-Unis. L’incidence en augmentation du syndrome hémorragique du nouveau-né serait liée au mouvement anti-vaccination.

De son côté, le CDC s’est intéressé aux raisons qui poussent les parents à s’opposer à l’injection de vitamine K, une piqûre qui n’est pas un vaccin. Minimiser l’exposition du nouveau-né aux toxines ou l’impression que l’administration de vitamine est inutile en font partie.

Plus surprenant : certains géniteurs croient que l’injection de vitamine K expose leurs enfants à un risque accru de leucémie. Une peur qui date d’une étude de 1992 faisant un lien entre cancer et vitamine K. Un lien jamais confirmé dans les autres études publiées depuis, mais que des sites Internet comme le très suivi et délétère TheHealthyHomeEconomist.com reprenne comme argument anti-vaccination.

Si le mouvement anti-vaccination se travestit en mouvement anti-injection, ce sont les enfants qui vont de leur santé en payer le prix. Une fois de plus.