Une pandémie qui affecte aussi les animaux : entrevue avec le Dr Sébastien Kfoury

Une pandémie qui affecte aussi les animaux : entrevue avec le Dr Sébastien Kfoury

Comme c’est le cas de la majorité des gens, les personnes qui travaillent auprès des animaux apprennent à vivre au quotidien avec les conséquences de la pandémie sur leur profession, puis dans leur cas, aussi sur leurs sympathiques patients. Le métier de vétérinaire n’est pas toujours simple, et le contexte actuel ne vient certainement pas le faciliter. Nouvellement diffusée sur ICI Explora, la série Dr Sébastien, vétérinaire explore les aspects moins connus du travail dans les cliniques vétérinaires.

 

Prodiguer des soins aux animaux est un travail qui nécessite de l'empathie, mais aussi une bonne dose de résilience. Certaines études récentes révèlent un taux de dépression et de suicide beaucoup plus élevé chez les vétérinaires que dans la population générale. Plusieurs facteurs sont à l’origine des maux qui peuvent parfois affliger les sauveurs et sauveuses de nos animaux, et ces troubles pourraient bien être exacerbés par la crise sanitaire.

Dr Sébastien, vétérinaire, la nouvelle série d’ICI Explora, aborde ces questions en plongeant dans le quotidien de la clinique du Dr Kfoury. Elle jette un regard inédit et franc sur la réalité et les défis de ce milieu porté par la passion extraordinaire des vétérinaires et de leur équipe. 

Dr Sébastien Kfoury

Le Dr Sébastien Kfoury.

« C’était le but, la prémisse de l'émission. On voit ce qu'est la vie d’un vrai vétérinaire qui a des hauts et des bas, beaucoup plus de hauts que de bas, mais j’aimais l’idée que la caméra soit un peu comme un collègue de travail qui expérimente la vie dans un hôpital vétérinaire. J’aurais trouvé ça navrant de romancer ou de cacher ce côté-là, c’est la réalité et je crois que les gens sont capables de faire la part des choses », explique le Dr Sébastien Kfoury.

Parmi les défis auxquels les vétérinaires font face au quotidien, l’animateur cite les limites imposées par les moyens financiers de leur clientèle. Parfois, un animal pourrait être sauvé ou avoir un traitement plus approprié pour ses maux, mais le budget est insuffisant. 

« C’est une des parties les plus difficiles pour les vétérinaires, d’avoir à gérer la maladie, le budget, les complications médicales, les réactions à une perte, et tout ça en plus des émotions qui viennent avec. C’est très difficile pour un médecin de savoir qu’il est capable de sauver ou de soigner un animal, mais que la personne qui est responsable du patient ne peut pas ou ne veut pas mettre les moyens financiers pour le faire. »

L’effet COVID dans les cliniques vétérinaires

Le port du masque n’est certainement pas une nouveauté pour ceux et celles qui prennent soin de nos animaux. La pandémie a toutefois d’autres conséquences, moins visibles, sur la pratique. Les responsables des animaux qui visitent une clinique vétérinaire se retrouvent souvent dans des situations économiques fragilisées par l’incertitude, avec moins de ressources financières qu’avant pour payer les soins.

Le Dr Kfoury fait aussi part de son inquiétude pour le long terme, lorsque les aides financières gouvernementales cesseront et que plusieurs petites entreprises auront fermé, faute de revenus suffisants. 

« Je me demande si ça ne va pas être pire. Il y a des gens qui ont eu accès à des subventions comme la Prestation canadienne d’urgence (PCU) qui vont se ramasser dans quelque temps à avoir des difficultés économiques à plus long terme, et l'on sait qu’un animal, ça vit longtemps! Ce n’est pas parce que l’on est en pandémie ou que l’on a perdu son emploi que l’animal nécessite moins de soins. »

Le confinement a aussi causé une hausse des adoptions d’animaux. Le télétravail a été vu comme une occasion de se procurer un animal pour de nombreuses personnes, parce qu’elles avaient ainsi plus de temps pour s’en occuper ou parce qu’elles désiraient avoir un compagnon afin de briser l’isolement de ce nouveau mode de vie. 

Le Dr Sébastien Kfoury et un patient de sa clinique

« Voir la gratitude des gens quand tu sauves les animaux, de voir comment ils sont heureux, ça vaut de l’or. » - Dr Sébastien Kfoury

Comme plusieurs autres spécialistes de son domaine, le Dr Sébastien Kfoury se questionne sur l’après-pandémie et ce que cela signifiera pour les personnes qui ont décidé d’adopter un animal sur un coup de tête.

« Notre vie au moment de prendre l’animal ne sera pas la même que dans 2 ans, 5 ans, 15 ans… et un animal, ça peut même vivre plus de 15 ans! Les gens qui ont pris des décisions d’adoption pendant la pandémie, parce qu’ils avaient beaucoup de temps, parce qu’ils travaillaient à domicile… quand ils vont recommencer à travailler ou à voyager, est-ce que l’intérêt sera toujours là? L’animal ne disparaîtra pas, on ne peut pas le mettre sur pause. »

Un métier gratifiant

Malgré les moments difficiles et les défis exacerbés par la pandémie, le Dr Sébastien Kfoury est épanoui dans son métier. Il souligne l’importance de séparer distinctement le professionnel du personnel pour pouvoir décrocher et refaire le plein d’énergie en dehors des heures de travail, mais son métier est aussi une passion qui lui procure du bonheur au quotidien. 

« C’est une partie infime, le côté sombre! Être vétérinaire, c’est un travail qui est extraordinaire. Nous sommes des aidants, des facilitateurs. De plus en plus, je vois comment le lien entre les animaux et leur famille a changé, il s’est renforcé. Les animaux sont vraiment rendus des membres de la famille à part entière. Le fait d’être cette personne qui est là pour aider, qui va sauver l’animal, le guérir ou apaiser ses souffrances, c’est extraordinaire. »

Les nouvelles technologies et l’éveil du milieu sur les problèmes de santé mentale marquent aussi une progression nette pour le bien-être des personnes qui y travaillent, même si l’animateur des Poilus reconnaît qu’il y a encore beaucoup de chemin à faire. 

En plus de travailler pour sa clinique, le Dr Sébastien Kfoury envisage d’autres projets. Il est heureux de continuer à animer Les poilus, mais il aimerait aussi travailler à l’étranger, notamment pour aller à la rencontre des relations entre humains et animaux. Il n’écarte pas non plus l’idée d'essayer la fiction en faisant le saut dans un rôle de vétérinaire pour le petit écran!