Les entreprises de réalité virtuelle s’intéressent vivement à l’intégration du toucher dans leurs systèmes, un sens qu’elles tentent peu à peu d’aller chercher grâce à la science du retour haptique. Les technologies dans ce domaine évoluent rapidement, et elles seront sans doute bien utiles dans de nombreux secteurs, mais certains obstacles empêchent encore la simulation réaliste du toucher dans l’univers virtuel.
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Votre téléphone vibre lorsque vous tapez sur votre écran ? Voilà un exemple simple de retour haptique. L’haptique est au toucher ce que l’acoustique et l’optique sont pour l’oreille et l’œil, il s’agit de la perception de l’information transmise au cerveau par le toucher.
« Le retour haptique peut être utilisé pour lier le sens du toucher à diverses interactions avec une interface digitale », explique Evelyne Drouin, fondatrice de GénieLab et collaboratrice pour le Centre de développement et de recherche en imagerie numérique (CDRIN).
« Les développements technologiques liés au retour haptique sont en grande croissance dans le secteur du divertissement afin de rendre plus immersives les expériences centrées sur l’humain des projets déployés en réalité virtuelle ou en réalité augmentée, entre autres » - Evelyne Drouin
L’espèce humaine est dotée d’un sens tactile remarquable : selon l’institut royal de technologie de Stockholm, les doigts de notre main peuvent détecter des variations de 13 nanomètres sur une surface, donc environ la taille d’une voiture… si votre doigt était gros comme la terre. On peut ainsi comprendre que la simulation numérique d’un retour haptique aussi précis n’est pas chose facile.
Les produits de réalité virtuelle qui se trouvent sur le marché utilisent principalement des manettes de jeux vidéo avec une vibration pour atteindre un certain niveau du retour haptique. Très loin d’une sensation semblable au toucher, ce mécanisme peut cependant aider à l’immersion dans un jeu ou une application virtuelle.
Des entreprises tentent toutefois d’aller plus loin, grâce à la conception de gants ou de vestes qui simulent avec précision les contacts avec une surface en réalité virtuelle. Par exemple, les gants HaptX utilisent un exosquelette pour les mains et le gonflement ciblé de minuscules ronds de « peau » en silicone par un système pneumatique. L’exosquelette permet de créer une résistance pour simuler une surface alors que les ronds de silicone cherchent à reproduire les sensations, telles que des gouttes de pluie qui tombent sur la peau ou une araignée qui vous court sur la main.
Les gants Haptx utilisent une série de petites membranes pour stimuler le toucher | Source : YouTube / Adam Savage's Tested
À la fois conceptrice sonore et DJ, Evelyne Drouin prête une attention particulière à l’intégration du son dans les technologies de retour haptique, une rencontre entre deux sens bien compatibles. « Plusieurs musiciens et musiciennes utilisent de nouvelles technologies haptiques à porter telles que des métronomes, qui permettent de conserver une trace sonore des tempos et partitions à jouer de manière synchrone », précise-t-elle.
La fondatrice de GénieLab affirme aussi que ce mélange entre l’audition et le toucher s’avère prometteur pour le milieu thérapeutique, que ce soit pour aider la concentration ou la relaxation.
Une utilisation variable
De telles innovations pourraient avoir plusieurs fonctions. En dehors du divertissement et de l’immersion dans des expériences numériques, elles permettraient de contrôler à distance des bras robotisés ou de former des travailleurs dans certains domaines comme la médecine.
Un contrôle à distance de bras robotisés à l'aide d'une technologie de retour haptique | Source : YouTube / HaptX
« C'est aussi un bon outil de simulation virtuelle pour la médecine en préparation à la chirurgie. Il est possible de simuler une opération avec de faux instruments de chirurgie, comme les scalpels, qui produisent un retour haptique », illustre Evelyne Drouin. Dans un tel cas, elle explique que le retour haptique pourrait même varier selon les tissus humains virtuels utilisés pour l’entrainement, pour permettre de différencier le cartilage, les os ou les muscles, comme dans le monde réel.
Les outils actuels liés au retour haptique manquent toujours de finesse et de précision pour la plupart, en plus d’être assez encombrants lorsqu’il s’agit de technologies comme des gants ou des vestes. Il faudra donc sans doute encore plusieurs années avant de pouvoir utiliser ces technologies à leur plein potentiel, qui demeure tout de même loin des capacités sensorielles humaines.
« Comme toute technologie en interaction avec l'humain au fort potentiel, elle se doit d'être bien réfléchie, et mérite que des équipes interdisciplinaires travaillent ensemble pour en faire l'implémentation, et ce, dès le début de la recherche et de son élaboration jusqu’à la mise en marché », conclut Evelyne Drouin.
L’AVIS DE JEAN-MICHEL VANASSE
Je n’ai pas encore eu l’occasion d’essayer les technologies de retour haptique, mais on en parle souvent dans l'émission avec Martin Carli. Ça va évidemment aider à amener à un autre niveau la réalité virtuelle, mais aussi la réalité augmentée. Les systèmes actuels sont loin d'être parfaits, mais ils fonctionnent quand même.
Là où j'y verrais une utilité incroyable, c'est dans le monde de la médecine, où se retrouve déjà la réalité virtuelle. Avec des outils performants, la réalisation d'opérations à distance serait encore plus efficace.
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