Exploration spatiale : la durabilité et la sécurité à l'avant-plan des missions

Un astronaute lors d'une mission d'entretien de la Station spatiale internationale (SSI)
Un astronaute lors d'une mission d'entretien de la Station spatiale internationale (SSI) / Photo : NASA via Getty Images

Le 29 octobre, la National Aeronautics and Space Administration (NASA) a célébré sa reprise de contact avec la sonde Voyager 2, lancée en 1977 vers les confins de notre galaxie. Après 43 ans et près de 20 milliards de kilomètres parcourus, elle envoie toujours des informations à l’agence spatiale américaine sur son périple dans le vide interstellaire. Le secret d’une telle longévité? Une conception parfaite et une préparation sans compromis, deux aspects qui sont aussi au cœur des missions de l’Agence spatiale canadienne (ASC).


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« L’atmosphère agit comme un protecteur pour nous sur Terre. L’espace, c’est un environnement qui a des conditions très sévères qui, bien souvent, ne pardonnent pas. Comme c’est très loin, si quelque chose plante, ça plante et c’est fini. »

– Michel Doyon

Selon Michel Doyon, gestionnaire en opération de vol et systèmes pour l’ASC, les objets envoyés dans l’espace doivent être conçus pour résister aux différents facteurs qui pourraient compromettre leur intégrité. Un des principaux risques est associé à la température, qui peut subir des variations de plus de 100 degrés Celsius plusieurs fois par jour, selon la position d’un appareil par rapport au Soleil. 

Il y a aussi les radiations, qui peuvent affecter l’équipement électronique et causer des problèmes, et le vide, qui peut exercer un stress suffisamment grand sur les matériaux pour les abîmer s’ils ne sont pas assez résistants. Le choix des matériaux est donc la pierre angulaire qui permet de protéger l’intégrité des systèmes envoyés dans l’espace.

Assemblage du téléscope spatial James Webb.

Plusieurs années de tests sont souvent nécessaires avant d'envoyer un appareil dans l'espace, comme dans le cas du télescope spatial James Webb. Photo : Alex Wong/Getty Images

« Ils doivent être bien choisis au sol. Ils doivent être testés, validés et protégés. Ils sont méticuleusement sélectionnés en fonction de la durée de vie de la mission ciblée. Si l'on pense à une mission de quelques mois comparativement à une autre d’une dizaine d’années, ça prend des matériaux choisis en conséquence », explique Michel Doyon.

Parmi les éléments qui se retrouveront dans la fabrication des navettes et des satellites, il y a entre autres différents alliages d'aluminium, une matière réputée pour sa légèreté et le maintien de ses propriétés malgré les changements de température, ainsi que la fibre aramide, un polymère très résistant souvent utilisé dans la fabrication des gilets pare-balles. 

Outre la température, le vide et les radiations, les débris spatiaux dans l’espace sont aussi un danger qui préoccupe l’ASC et les agences spatiales dans le monde. 

Le syndrome de Kessler

La présence de débris spatiaux représente un autre risque permanent pour les astronautes et les satellites en orbite. En raison de la vitesse phénoménale des objets en circulation autour de la Terre, un fragment de la taille d’une mine de crayon peut avoir l’effet d’une balle de fusil s’il subit un impact avec une pièce d’équipement. Le cratère laissé par un tel choc peut être 100 fois plus grand que l’objet l’ayant causé. Il est donc bien important que ce genre de débris n’entre pas en contact avec les appareils qui sont dans l’espace. 

« Dans l’espace, il y a de nombreux débris spatiaux. On parle facilement de 23 000 débris, de la grosseur d’une balle de baseball, qui sont surveillés et analysés 24 heures par jour et 7 jours par semaine. Ces objets-là, qui peuvent voyager à huit kilomètres par seconde, s’ils frappent un autre objet ou un satellite, par exemple, ça cause des dommages importants », précise Michel Doyon.

Représentation artistique des débris dans l'espace.

Le syndrome de Kessler est un péril qui est étudié de près par les différentes agences spatiales. Image : iStock

Le pire scénario envisagé par un impact de débris spatiaux serait celui du syndrome de Kessler. Cette théorie explique les dangers d’une réaction en chaîne : si un satellite venait à être détruit par des débris dans une orbite qui est utilisée par d’autres appareils, ses morceaux pourraient à leur tour happer d’autres satellites et ainsi de suite jusqu’à créer un énorme nuage destructeur qui pourrait tout décimer sur son passage.

Pour éviter cela, les différentes agences spatiales collaborent entre elles afin d’identifier les risques de collisions et pour y réagir efficacement. Chaque année, le sujet est abordé lors de grands forums internationaux sur les stratégies à entreprendre quant à l’augmentation du trafic spatial.

« De 2012 à aujourd’hui, le nombre de satellites actifs a doublé dans l’espace, donc c’est quand même significatif. Il ne faut toutefois pas oublier que l’espace est beaucoup plus vide que plein! Il faut penser aux proportions. Ce qui est plus complexe, c’est que les satellites voyagent sur des orbites, et certaines orbites sont plus sollicitées que d’autres. Il peut donc aussi y avoir des risques de collisions entre eux également », résume Michel Doyon.

Des tests rigoureux pour assurer la durée de vie des appareils

Avant d’envoyer un satellite ou tout autre appareil dans l’espace, celui-ci est soumis à une batterie de tests et d’analyses pour assurer une performance optimale et sécuritaire de toutes les composantes. C’est aussi de cette manière que les matériaux les plus résistants sont sélectionnés et mis à l’épreuve avant une mission. 

« L’ASC a un laboratoire reconnu, le David-Florida. Il est utile autant pour l’agence que pour les opérateurs commerciaux. Ces installations sont utilisées pour faire les tests sur les satellites qui vont aller dans l’espace. Ça prend des chambres très grandes pour s’adapter à la taille des satellites et créer des tests thermiques, de vibrations ou de vide »

– Michel Doyon

Tous ces tests permettent notamment d’établir des durées réalistes pour les missions, même si les appareils auront une durée de vie utile qui dépasse bien souvent celle de la mission initiale. 

C’est le cas de la sonde Voyager 2, mais c’est aussi la même chose pour des appareils canadiens, comme le SCISAT, un satellite envoyé dans l’espace en 2003 pour une mission de deux ans. Le SCISAT est encore opérationnel, il continue d’envoyer régulièrement des données sur notre atmosphère et sur l’état de la couche d’ozone, 17 ans après sa mise en orbite.

« On conçoit [les appareils] pour [leur] garantir une durée de vie « x », en s’assurant que les matériaux et le design choisis vont au-delà de celle-ci. La préparation est très importante; une fois que quelque chose est rendu dans l’espace, c’est beaucoup plus compliqué pour le réparer. On peut envoyer de nouveaux logiciels, mais dévisser ou revisser quelque chose, ce n’est pas vraiment possible. Il faut tout planifier, vérifier et valider sur Terre avant de lancer [l’appareil] », conclut Michel Doyon.