Le spectateur au centre des expériences immersives

Comment concevoir des expériences immersives engageantes? Pour Félix Lajeunesse, un des cofondateurs de Félix & Paul Studios, c’est définitivement le rôle du spectateur dans l’histoire qui est à la base de toute réflexion de création virtuelle en 360 degrés. Il a présenté les ingrédients d’une immersion réussie lors d’une conférence Midi Lab, animée par Matthieu Dugal.

M. Lajeunesse est un des pionniers de la réalité virtuelle sur la scène internationale. Félix & Paul Studios crée du contenu original en réalité virtuelle cinématographique depuis 2014. L’équipe est passée de trois fondateurs à 62 employés aujourd’hui à Montréal et à Santa Monica, à Los Angeles, comprenant entre autres des programmeurs, des monteurs, des spécialistes de la caméra, ainsi que des équipes de production, de son et de postproduction pour créer des effets visuels.

L’ingrédient principal qui sert à amener le spectateur à s’abandonner à l’expérience est de bien penser son intégration dans l’histoire, indique Félix Lajeunesse. «L’immersion n’est pas juste un phénomène de: “Je mets un casque et je regarde autour de moi.” Il y a plusieurs niveaux de profondeur», indique-t-il. L’internaute doit comprendre pourquoi il est présent à cet endroit précis de l’action. Filmer en suivant un marcheur fonctionne très bien au cinéma, mais en réalité virtuelle, le spectateur peut se demander ce qu’il fait derrière le personnage. «C’est une question que tu ne te poserais jamais au cinéma», selon M. Lajeunesse. C’est un rapport complètement différent à ce qui se passe.

«Ça ne veut pas nécessairement dire que le spectateur est un personnage et que les gens le regardent et lui disent “allô”», précise Félix Lajeunesse. Dans l’expérience Strangers with Patrick Watson, la première produite par Félix & Paul Studios, l’internaute est dans la peau d’un ami qui visite le musicien Patrick Watson dans son studio de Montréal. Pour créer une substitution complète de la réalité du spectateur par celle de l’oeuvre, l’équipe de Félix & Paul Studios a traité la caméra comme si c’était une personne. «On ne va pas placer la caméra en fonction de ce qui donne un beau point de vue. Ça va plutôt être: si j’étais un ami de l’artiste et que je venais le visiter une journée, où est-ce que je m’assoierais?», indique M. Lajeunesse. Comme les gens sont assis quand ils vont vivre l’expérience, la caméra a été placée à la hauteur de leurs yeux.

Les journalistes présents au lancement de saison 2014-2015 d'ICI EXPLORA en août 2014 à la Maison Notman ont pu vivre l’expérience Strangers with Patrick Watson grâce au casque de réalité virtuelle Oculus Rift. Photo: Daniel Auclair.

L’objectif des expériences immersives est aussi de faire oublier la technologie au spectateur tellement la situation reproduit l’expérience sensorielle de tous les jours, explique Félix Lajeunesse. «La télé ne ressemble pas à ça. Le cinéma ne ressemble pas à ça», ajoute-t-il. Par exemple, l’oeuvre de fiction Miyubi permet à l’internaute de se mettre dans la peau d’un robot bien aimé par sa famille d’adoption, mais qui devient inévitablement obsolète. Les gens dans l’expérience interagissent avec le robot/spectateur d’environ 60 cm de haut, soit la hauteur à laquelle la caméra a été positionnée, ce qui aide l’internaute à s’intégrer complètement à l’histoire. C’est le projet le plus long réalisé par Félix & Paul Studios.

La visite de la Maison-Blanche du projet documentaire The People’s House: Inside the White House with Barack and Michelle Obama est une autre façon originale de raconter une histoire immersive. L’objectif était de transporter le spectateur dans les mémoires du président et de son épouse, explique Félix Lajeunesse. Le visiteur découvre ce lieu de vie, de travail et d’histoire à travers les pensées de ces personnes. C’est grâce aux mouvements des caméras très subtils que le spectateur n’a pas l’impression d’être seulement assis dans les pièces. Ce rythme crée la sensation d’être dans la tête de quelqu’un, indique M. Lajeunesse.

Créer une expérience immersive nécessite aussi du développement technologique. Les ingénieurs de Félix & Paul Studios doivent par exemple trouver une solution technologique en un mois et demi pour filmer sous l’eau en haute vitesse pour l’oeuvre O du Cirque du Soleil. «On ne peut pas trouver sa zone de confort dans cette industrie», indique Félix Lajeunesse.

Félix Lajeunesse explique qu’il existe du contenu en réalité virtuelle de qualité, mais le défi demeure son accès qui doit être amélioré selon lui. Il est convaincu que la réalité virtuelle deviendra un jour la norme: «On voudra dans le futur être immergé dans nos histoires, être immergé dans nos expériences journalistiques, être immergé dans nos expériences sportives. Ce qui va sembler plus rétro ou plus étrange un jour, c’est le concept qu’avant, les gens regardaient leur contenu dans des petits écrans».

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