De nombreux villages côtiers du Grand Nord canadien sont complètement isolés du reste du monde. Sans routes, les seuls ravitaillements s’y font par avion ou par bateau, comme en témoigne la série Les ravitailleurs du Grand Nord. Les équipages des navires qui s’y rendent doivent braver les glaces et la météo imprévisible pour mener leur cargaison à bon port.
C’est la mission de Cédric Goyette, qui dirige le MITIQ, un navire de charge de 137 mètres ayant son port d’attache à Bécancour. Le capitaine de 35 ans travaille depuis quelques années pour NEAS, une entreprise qui assure le ravitaillement des communautés isolées du Grand Nord canadien.
« La majorité, si ce n’est pas l’ensemble des communautés que nous ravitaillons, est accessible seulement par voie maritime ou par avion. Par exemple, la communauté de Grise Fiord : il y a un navire qui va là une fois par année. La fenêtre météo est très courte. On a environ 14 jours pour s’y rendre en raison des conditions des glaces », explique-t-il.
Peuplée par une centaine de personnes, Grise Fiord est la communauté la plus nordique du Canada, en excluant la base militaire d’Alert qui est aussi desservie par les navires du NEAS. Les périples de ravitaillement effectués par l’équipage du MITIQ durent en moyenne de un à deux mois, dépendamment des conditions météorologiques et de la destination.
Dans cette région du monde peu fréquentée par les navires, les équipages sont tout aussi isolés que les communautés qu’ils ravitaillent.
« Ce sont des régions éloignées. Nous n’avons pas accès à du ravitaillement facilement ou à de l’aide si jamais des gens se blessent. Tout est plus complexe pour avoir de l’assistance là-bas parce qu’il n’y a pas beaucoup d’infrastructures en place dans l’Arctique », précise le capitaine du MITIQ.
Les équipages n’ont donc pas droit à l’erreur : les populations isolées en dépendent pour leur ravitaillement, et ce n’est certainement pas l’endroit le plus hospitalier pour se retrouver à la dérive. Pour les capitaines, la pression est grande et les défis sont nombreux.
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Les défis de la navigation dans l’Arctique
Les eaux de l’Arctique font partie des plus complexes à sillonner au monde, même avec des navires spécialisés et les équipements modernes qui viennent avec. La navigation n’y est pas toujours facile et les voyages comportent leurs lots d’obstacles.
« Parfois, ça peut être très relax : en mer avec une météo clémente, tout se passe à merveille. Mes tâches sont assez faciles dans des moments comme ceux-là. Mais à d’autres moments, où il faut naviguer dans des glaces serrées, avec des conditions météorologiques pas faciles, ça peut être de longues heures de travail assez éprouvantes », résume Cédric Goyette.
Le capitaine Cédric Goyette. Photo : Martin Chabot / Radio-Canada
En plus des passages morcelés par les glaces et des phénomènes météo parfois ravageurs, les faibles données cartographiques disponibles pour cette région du monde viennent aussi compliquer la tâche des capitaines qui bravent l’Arctique.
Malgré les expéditions légendaires et une plus grande présence de navires dans l’Arctique, le trafic maritime y reste relativement faible et les relevés géographiques les plus récents dans certains secteurs remontent parfois à plusieurs décennies, lorsqu’ils existent.
« Le GPS ne fonctionne pas toujours non plus. Étant donné qu’il n’y a pas de référence géodésique pour les cartes, le GPS ne correspond pas toujours à la carte utilisée. Du coup, il faut avoir recours à des méthodes de navigation presque ancestrale : on utilise des relèvements de distance, des amers connus, et c’est comme ça qu’on va se positionner. C’est le deuxième plus gros défi de notre métier », explique le capitaine.
L’itinéraire d’un navire comme le MITIQ peut grandement varier d’un périple à l’autre, même si les arrêts sont les mêmes. En raison des particularités de l’environnement arctique, les détours sont souvent inévitables.
« Il y a certains navires qui vont faire des routes très régulières, du point A au point B, avec une route tracée au crayon-feutre sur leur carte – ils vont toujours emprunter le même chemin. Nous, on doit toujours s’adapter au mouvement des glaces. »
Aux premières loges des changements climatiques
Magnifique portrait de ce qu’il reste de plus sauvage sur la planète, l’Arctique est aussi une des régions du monde les plus touchées par les changements climatiques. Des scientifiques estiment que la banquise arctique, la glace hivernale qui persiste durant l’été, pourrait disparaître d’ici 2035.
Cette fonte rapide des glaces ouvre de nouveaux chemins pour la navigation, mais elle s’accompagne surtout d’effets irréversibles sur la région. Elle menace notamment des espèces comme les ours polaires et les phoques, qui utilisent ces glaces flottantes pour chasser ou pour se reposer.
En plus de nuire à la faune, ces changements climatiques qui bouleversent l’Arctique menacent aussi le mode de vie des communautés inuit qui peuplent cette région du monde. Les routes blanches, ces chemins sur la banquise empruntés depuis des générations pour rejoindre les terrains de chasse ou d’autres communautés, sont vouées à disparaître.
L'ours polaire est l'une des espèces les plus menacées par la fonte des glaces. Photo : iStock
« On est vraiment aux premières loges pour observer les changements climatiques. L’Arctique est touché beaucoup plus rapidement que le reste de la planète. On y observe des changements qui sont majeurs tant en matière de température que de condition des glaces. Globalement, c’est excessivement inquiétant tout ça, et ça nous concerne au plus haut point », affirme Cédric Goyette.
L’Arctique est une région qui frappe l’imaginaire. Sa faune, sa flore et ses communautés en font un endroit magnifique et unique au monde.
« On a énormément de chance d’être là et de pouvoir admirer ces paysages et cette culture-là », conclut le capitaine du MITIQ.
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