Un passage faunique et cyclable plus verdoyant dans les Laurentides

Passage faunique à Ivry-sur-le-Lac, dans les Laurentides
Passage faunique à Ivry-sur-le-Lac, dans les Laurentides, crédit photo : Conservation de la nature Canada

Faune et cyclistes du P’tit Train du Nord circuleront dans un décor plus invitant sous l’autoroute 117 dans les Laurentides ce printemps! 

 

L’organisme voué à la protection des milieux naturels Conservation de la nature Canada (CNC) a terminé l’aménagement d’un passage faunique côtoyant la piste cyclable du P’tit Train du Nord sous l’autoroute 117 à Ivry-sur-le-Lac, entre Sainte-Agathe-des-Monts et Tremblant. 

Orignaux, cerfs, renards roux, ratons, moufettes, hermines et autres espèces laurentiennes empruntent ce tunnel passant sous la 117 pour se déplacer d’une forêt à l’autre, plus précisément entre la réserve écologique Jackrabbit, à Montcalm, et le parc national du Mont-Tremblant.    

Ce passage s’avère particulièrement important pour la faune terrestre, selon ce que nous dit au bout du fil Caroline Marcotte, chargée de projet à CNC. « On s’entend que la 117, c’est un axe routier majeur dans les Laurentides. Et les endroits où la faune peut traverser de manière sûre sont plutôt rares. » 

 

Un passage… plus naturel

CNC a acquis le terrain sur lequel se trouve le tunnel il y a trois ans, mais « le projet remonte même à avant l’acquisition de la propriété », nous raconte la biologiste lorsqu’on lui demande comment est née l’idée. « C’était un endroit super intéressant pour la connectivité écologique, pour un corridor, un passage faunique. »

Corridor et connectivité écologique? Nous y reviendrons un peu plus loin. 

D’abord, comment CNC et ses partenaires – parmi lesquels on trouve la municipalité et les organismes Conservation Manitou et Écocorridors laurentiens – ont-ils rendu ce tunnel plus attrayant et plus sûr pour les animaux?

Oui, plus attrayant, car le sol était auparavant couvert de gravelle, sec, dénué de végétation, hormis peut-être quelques mauvaises herbes, selon Caroline. « Ce n’était pas accueillant pour les espèces. »

Sans compter le vacarme qui y régnait au passage des voitures. « C’est un peu comme quand tu entres dans une pièce et qu’il n’y a aucun meuble : c’est vraiment écho. C’était pareil dans le passage, explique la biologiste. Quand des voitures passent sur la 117 au-dessus, ça résonne. En meublant le passage, ça vient réduire le bruit infernal en dessous. »

Opération végétation, donc. CNC et ses partenaires ont épandu du bon sol pour que des plantes y poussent mieux, semé des graines d’espèces herbacées et planté des arbres aux extrémités du tunnel. Au fil des mois, « ça va devenir plus… naturel », illustre la titulaire d’une maîtrise en écologie internationale. 

On a également pensé aux musaraignes, souris et autres plus petites espèces, que le passage dépourvu d’abris exposait aux prédateurs. Des souches et des rochers ont donc été installés afin de créer des cachettes. 

« Les cerfs, ça ne les dérangeait pas trop de passer là; ils passent n’importe où, on les voit souvent traverser les routes dans les Laurentides. Mais d’autres espèces sont plus timides. Elles ont besoin de se sentir plus en sécurité pour utiliser le passage », fait observer Caroline. 

Avec le retour du printemps, la végétation fleurira dans le passage et s’y établira tout naturellement. L’experte a déjà hâte de découvrir ce que l’avenir lui réservera. De nouvelles espèces l’emprunteront-elles? Des animaux y circuleront-ils plus souvent? s’interroge la chargée de projet. « Ce seront des données très intéressantes, mais on ne les a pas encore », indique-t-elle. CNC peut d’ailleurs compter sur Écocorridors laurentiens pour étudier le passage.

 

Pour le bonheur des animaux et des êtres humains

Cet aménagement revitalisé bénéficiera non seulement aux espèces peuplant la région, mais également aux visiteurs et visiteuses bipèdes qui sillonneront à pied ou à vélo la piste du P’tit Train du Nord qui jouxte le passage faunique. 

« C’est super intéressant même pour les humains qui vont passer là d’avoir un tunnel plus naturel. C’est le fun même pour nous! », souligne Caroline Marcotte. 

Toutefois, le passage faunique ne se destine pas aux êtres humains… ni à leurs compagnons canins! « Un chien va laisser son odeur, et on ne veut pas que ça risque d’avoir une répercussion sur la faune, qu’elle soit dérangée par l’odeur d’un chien qui serait passé là », prévient Caroline Marcotte. 

La biologiste rappelle que la végétation y est en outre encore fragile et qu’elle « pousse déjà dans des conditions un peu plus difficiles qu’ailleurs : il y a moins de lumière et de précipitations ». Il est donc primordial que les gens, à pied ou à vélo, restent sur la piste du P’tit Train du Nord. 

Bref, « laissons le passage faunique aux espèces sauvages », résume avec bienveillance Caroline. 

 

Fondamentaux corridors migratoires

Comme l’a indiqué la biologiste, le passage d’Ivry-sur-le-Lac constitue l’un des rares chemins permettant à la faune de traverser la 117 en toute sécurité. Réduire les collisions avec les voitures constitue donc l’une des principales visées de tels passages. En plus de faucher la vie d’animaux, ces collisions coûtent très cher, selon la biologiste de CNC. 

 

  • Coût moyen d’une collision entre un véhicule et un cerf de Virginie dans les Laurentides : 10 671 $ 
  • Coût moyen d’une collision entre un véhicule et un orignal dans les Laurentides : 49 388 $ (Source : Conservation de la nature Canada)

 

Cet objectif s’inscrit dans une perspective plus vaste : la connectivité écologique, soit la connexion des milieux naturels. Milieux que l’on connecte grâce à des corridors écologiques. 

Il s’agit de chemins naturels qu’empruntent les animaux et les plantes pour se déplacer ou se disperser d’un espace à un autre afin de combler leurs besoins, comme le synthétise cette vidéo de l’Initiative québécoise Corridors écologiques. 

Les corridors constituent de surcroît d’essentiels moyens d’adaptation aux changements climatiques, qui se répercutent sur les habitats de la faune et la flore. En effet, des recherches « ont prouvé qu’avec les changements climatiques au Québec, les habitats des espèces vont se déplacer vers le nord d’environ 45 km par décennie – c’est impressionnant », explique Caroline Marcotte. 

« Les corridors sont donc super importants pour permettre la migration des espèces de façon sécuritaire du sud vers le nord, poursuit-elle. Parce que leurs habitats vont se déplacer, les espèces doivent suivre. » 

Corridors écologiques

Photo : Conservation de la nature Canada

 

En passant par le tunnel d’Ivry-sur-le-Lac, les adeptes de plein air pourront justement en apprendre sur la connectivité des milieux naturels, les effets des changements climatiques sur la faune et la flore ainsi que les collisions routières grâce aux panneaux d’interprétation qu’y a installés CNC. 

Une façon de s’informer tout en s’imprégnant des beautés de la nature laurentienne en parcourant le P’tit Train du Nord.