Les gens du Moyen Âge croyaient que la Terre était plate : mythe ou réalité?

Camille Flammarion, L'Atmosphere: Météorologie Populaire (Paris, 1888)
Camille Flammarion, L'Atmosphère : Météorologie Populaire (Paris, 1888)

Peu surprenant qu’avec un surnom comme « l’âge des ténèbres », le Moyen Âge ait la réputation d’être une période sombre pendant laquelle le peuple vivait dans la misère et l’ignorance. On dit qu’on croyait alors notamment que la Terre était plate et que les navires qui s’aventuraient trop loin — même celui de Christophe Colomb au 15e siècle — risquaient de tomber au bout du monde. Était-ce bien le cas?

 

Réponse : Les scientifiques et les gens éduqués savent que la Terre est de forme sphérique depuis l’Antiquité. Entre le 3e et le 7e siècle, certaines personnes en Europe avancent la théorie que la Terre soit plutôt plate. Bien que cette idée s’avère peu populaire à l’époque, quelques penseurs du 19e siècle y font référence et propagent ainsi le mythe que l’ensemble de la population au Moyen Âge y adhère.

 

Explication : Les écrits du philosophe grec Pythagore décrivent la Terre comme étant sphérique dès le 6e siècle av. J.-C.. À son tour, Aristote observe que lorsqu’on voyage vers le sud, certaines constellations semblent s’élever par rapport à l’horizon — impossible que l’angle varie de cette façon si le monde est plat. Enfin, l’astronome Ératosthène parvient même à calculer la circonférence de la Terre en mesurant l’ombre projetée par soleil à plusieurs lieux lors du solstice d’été. Il se trompe de moins de 1 %!

Au 2e siècle et au sommet de l’Empire romain, l’astronome Claude Ptolémnée publie le traité Géographie, dans lequel il présente différentes cartes géographiques des régions habitées. Le système de parallèles et de méridiens utilisé illustre bien la rondeur de la Terre.

Tout au long du Moyen Âge, la majorité des manuels et des ouvrages reconnaissent encore que la Terre est une sphère. 

La carte de l'écoumène de Ptolémée, re-dessinée en utilisant la première projection.
La carte de l'écoumène de Ptolémée, re-dessinée en utilisant la première projection.

Le mythe de Christophe Colomb

En 1828, l’auteur américain Washington Irving publie La vie et les voyages de Christophe Colomb, une œuvre de fiction historique basée sur les aventures du grand explorateur. Il y prétend à tort que ce n’est que grâce à ces expéditions vers le Nouveau Monde que la population européenne accepte enfin que la Terre n’est pas plate. 

En fait, ceux qui s’opposent au premier périple de Christophe Colomb ne craignent pas sa disparition au bout du monde… mais plutôt qu’il sous-estime les dimensions du globe et qu’il manque de nourriture avant d’atteindre l’Asie.  

 

Le Moyen Âge déformé par le romantisme?

En 1834, l’archéologue français Jean Antoine Letronne publie à son tour l’article Des opinions cosmographiques des pères de l’Église rapprochées des doctrines philosophiques de la Grèce. Il y rapporte que les premiers écrivains chrétiens croyaient que la Terre était plate, possiblement en se basant sur des interprétations littérales de la Bible. Bien que faux, ses propos ont été repris pendant de nombreuses années. 

C’est à cette même époque qu’apparaît la conception romantique du Moyen Âge en tant qu’âge des ténèbres. On accuse l’Église chrétienne d’avoir freiné le développement intellectuel de l’époque et on entretient le mythe que, grâce aux progrès modernes, on ne vit plus dans l’ignorance et la sauvagerie d’autrefois.