De mystérieux signaux radio encore utilisés pour l’espionnage?

De mystérieux signaux radio encore utilisés pour l’espionnage?

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Depuis la Première Guerre mondiale, d’étranges signaux radio sont émis d’un peu partout sur la planète. Certains d’entre eux sont actifs depuis plusieurs décennies, et les personnes qui s’intéressent au phénomène affirment qu’ils proviennent de « stations de nombres », des stations de radio au service des grandes agences de renseignement. S’agit-il de simples canulars ou de messages secrets destinés aux espions et espionnes?
 
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De 1970 à 2008, il a été possible de capter de temps à autre les mystérieux messages d’une station de radio établie quelque part à Chypre. Une version plutôt lugubre de Lincolnshire Poacher, une musique traditionnelle anglaise, accueillait l’auditoire avant qu’une voix féminine à l’accent britannique annonce jovialement plusieurs séries de nombres.

Baptisée « Lincolnshire Poacher » en raison du titre de la pièce musicale utilisée, cette station émet un signal radio qui est l’un des plus populaires du mystérieux monde des stations de nombres. On appelle ainsi ces dernières, car elles se résument généralement à transmettre des séries de nombres, des messages codés qui seraient selon toute vraisemblance destinés à des individus qui possèdent la clef pour les décrypter.



Il est possible pour des spécialistes en radiofréquence de déterminer sans trop de difficulté l’origine géographique approximative des signaux émis par ces stations, soit en utilisant des techniques de triangulation, mais il est ardu de prouver à qui celles-ci appartiennent ou de déterminer le but des messages envoyés. Dans le cas de Lincolnshire Poacher, la fréquence semblait provenir d’une base des forces aériennes de l’armée britannique.

Les stations de nombres sont situées dans plusieurs pays et certaines parmi les plus connues ont été repérées en Russie. La nature des messages envoyés par celles-ci, leur longévité et leur origine géographique approximative sont des indices qui laissent croire qu’elles seraient généralement des moyens de communication utilisés par les différentes agences de renseignement. Leur apparition plus fréquente durant la guerre froide renforce aussi la crédibilité de cette théorie.

Quelques exemples connus
 

MDZhB

Aussi surnommée « The Buzzer », la station MDZhB (autrefois UVB-76) est active depuis au moins 1982. Elle est d’origine russe et serait située quelque part entre Moscou et Saint-Pétersbourg. Elle émet un bourdonnement intermittent et de rares messages en russe, souvent une série de noms ou de nombres. Elle peut être écoutée en ce moment même sur la fréquence 4625 kHz.

Plusieurs théories sont mises de l’avant pour expliquer la nature de cette station de nombres, comme le soulève un article de la BBC : il pourrait s’agir d’une manière de transmettre des messages cryptés à des espions ou des espionnes, d’un système d’alerte pour l’armée russe ou même d’une façon d’assurer une veille automatique pour répliquer en cas d’attaque nucléaire. L’explication la plus raisonnable est toutefois que la station serait un outil pour mener des expériences scientifiques se basant sur l’utilisation de fréquences radio, comme dans le cas d’études portant sur l’ionosphère.
 

Cherry Ripe

Comme Lincolnshire Poacher, la station Cherry Ripe tient son nom d’une chanson traditionnelle anglaise utilisée dans le signal qu’elle émet. Tout semble indiquer qu’elle serait d’ailleurs une station sœur de Lincolnshire Poacher, puisqu’elles utilisent la même voix et que les deux transmissions ont pris fin à quelques mois d’intervalle, après presque 40 ans d’activité. Son dernier emplacement géographique connu aurait été à Humpty Doo, en Australie.

La théorie la plus répandue sur le signal de la station Cherry Ripe est qu’il aurait été utilisé pour transmettre certains messages codés du MI6, les services secrets britanniques.
 

E10

Cette station utilisait l’alphabet phonétique de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) pour transmettre des messages inconnus sur plusieurs fréquences de 1970 à 2011. Certains sites qui s’intéressent aux stations de nombres ont décelé des indices qui laissent croire qu’elle pourrait appartenir aux services de renseignement israélien (principalement le Mossad), mais aucune preuve ne permet d’indiquer avec certitude son origine, comme c’est presque toujours le cas pour les stations du genre.
 

La piste du canular est peu probable

S’il est légitime de se demander si certaines stations de nombres ne diffuseraient pas de simples canulars, on peut assez facilement écarter cette hypothèse dans la plupart des cas. Pour commencer, bien que n’importe quelle personne ou organisation puisse émettre des signaux radio avec un minimum de savoir-faire, assurer la captation de ceux-ci d’un bout à l’autre de la planète nécessite tout de même des antennes très puissantes et du matériel coûteux.

Il faudrait également des individus particulièrement motivés pour émettre de tels signaux pendant plusieurs décennies à partir d’emplacements variés, des lieux parfois désignés comme des zones militaires.

Par le passé, l’existence de plusieurs stations de nombres a également été révélée au grand jour, comme c’est le cas de celle qui assurait les communications entre La Havane et des espions cubains aux États-Unis durant les années 1990. Leur existence est donc bien documentée, même si le contenu de leurs messages reste mystérieux.

C’est aussi sans trop d'ambiguïté que la Russie utilise les stations de nombres pour la transmission de messages codés. En 1993, durant une tentative de coup d’État visant à renverser le président Boris Yeltsin, une station de nombres située à Moscou a répété comme un signal d’alarme durant plusieurs heures le nombre « cinq », comme l’indique un reportage du magazine Slate.

Il n’est pas non plus impossible que certaines stations de nombres encore actives à ce jour soient de simples reliques, comme cela a été le cas d’une station de radio située à Washington, qui diffusait le même message en boucle depuis l’inauguration présidentielle de 2013 avant d’être désactivée.

Quoi qu’il en soit, même si elles sont moins présentes qu’il y a quelques années, les stations de nombres continuent de nourrir l’imaginaire des personnes qui s’intéressent aux signaux radio et le mystère demeure entier en ce qui concerne la plupart d’entre elles.