Monogamie : deux études contradictoires

Monogamie : deux études contradictoires

Depuis plus de quarante ans, des scientifiques du monde entier cherchent à mettre le doigt sur « l’origine » de la monogamie chez les animaux (et par la bande, chez les humains). Deux nouvelles études, publiées le même jour, prétendent y être arrivées, mais elles avancent des motifs différents pour en expliquer l’apparition.

La monogamie sociale serait relativement rare chez les mammifères. De fait, seulement 9 % des espèces auraient adopté cette stratégie de reproduction où un mâle et une femelle d’une même espèce vivent étroitement liés, pendant plusieurs saisons, sans être sexuellement exclusifs. Parmi les primates, 25 % des espèces formeraient des couples monogames tandis que les oiseaux opteraient à 90 % pour cette stratégie.

Jusqu’à maintenant, trois hypothèses ont été avancées par les scientifiques pour expliquer la monogamie au sein du règne animal :

- les mâles et femelles formeraient des paires pour assurer la survie de leur progéniture (en période critique, le mâle pourrait aider la femelle à élever les petits en leur offrant par exemple protection et subsistance);

- la formation de couples monogames empêcherait les femelles de s’accoupler avec d’autres mâles;

- ce type de couples protégerait la descendance des mâles rivaux qui voudraient l’éliminer pour augmenter leur chance de reproduction avec la mère.

C’est avec ces hypothèses en tête que deux équipes de chercheurs britanniques ont récemment procédé, indépendamment, à une nouvelle étude sur la monogamie. Et par une étrange coïncidence, leurs résultats contradictoires, publiés dans les revues Science et PNAS, ont été diffusés auprès des médias la même journée. Évidemment, aucune ne prétend apporter de preuve définitive sur l’apparition de la monogamie, mais l’une se vante tout de même d’avoir accompli la plus importante étude encore jamais réalisée, et l’autre, d’apporter son grain de sel pour en terminer avec ce débat. Pour l’instant, la seule conclusion sur laquelle ces scientifiques s’accordent, c’est que la monogamie n’aurait pas émergé de la première hypothèse, soit celle des couples formés pour assurer la survie de leur descendance, alors qu’elle avait été avancée dans une précédente étude comme la plus probable.

Les résultats de la première étude, réalisée à partir de données phylogénétiques de 2 500 espèces de mammifères, démontrent que la monogamie serait apparue alors que les femelles vivaient en solitaire, sur un immense territoire, à la recherche de nourriture. Il devenait alors plus difficile pour les mâles de s’accoupler avec plusieurs femelles, intolérantes les unes envers les autres, réparties sur une grande superficie. « Dans ces circonstances, former un couple avec une seule femelle pouvait représenter la stratégie la plus efficace à adopter par le mâle pour se reproduire », écrivent les auteurs dans la revue Science. Les soins prodigués par les deux parents pour assurer la survie de la descendance seraient une conséquence de l’apparition de la monogamie, croient-ils.

Après avoir analysé par simulation informatique les relations génétiques entre 230 espèces de primates, la deuxième équipe de chercheurs est arrivée à la conclusion que la monogamie aurait plutôt émergé de comportements infanticides. Selon cette hypothèse, les mâles, qui s’accouplaient avec plusieurs femelles, pouvaient tuer les bébés allaités de mâles rivaux afin de s’accoupler avec leurs les femelles devenues à nouveau fertiles. En formant des couples monogames, les mâles pouvaient davantage prendre soin des petits, et engendrer à long terme des descendants avec une faculté d’adaptation plus grande, pensent également ces chercheurs.

Ces deux études n’incluent aucune donnée humaine. Questionnées sur la possibilité d’extrapoler ces résultats de recherche à la monogamie chez les humains, les deux équipes de scientifiques se sont montrées sceptiques. D’une part, pour l’une et l’autre, l’affirmation à l’effet que les humains soient étiquetés comme monogames est contestable, et d’autre part, le contexte culturel dans lequel évolue les humains rend difficile toute interprétation faite à partir de relations écologiques établies entre d’autres animaux. Le débat se poursuit…

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