Mercure : de la glace dans une fournaise

Mercure : de la glace dans une fournaise

La détection de glace sur cette fournaise appelée Mercure n’est pas seulement étonnante : elle nous en apprend un peu plus sur notre propre planète. Questions-réponses.

Mercure est à 58 millions de km du Soleil, soit trois fois plus près que nous. Sa température à la surface est de 430 degrés Celsius. Comment diable peut-il y avoir de la glace dans un endroit pareil?

430 degrés, c’est un maximum. Mais allez faire un voyage au pôle Nord, trouvez-y un coin d’ombre, et vous pourriez avoir des surprises. C’est vers un tel endroit que la sonde américaine Messenger, en orbite autour de Mercure depuis 2011, a dirigé ses détecteurs : plus précisément vers un cratère de 110 km de large — le cratère Prokofiev — le plus gros connu sur cette planète.

Le cratère est assez gros pour que ses flancs laissent perpétuellement dans l’ombre de larges régions. De plus, puisqu’on est au pôle Nord, le Soleil ne s’élève jamais très haut au-dessus de l’horizon. D’où une température glaciale, sur la planète la plus chaude du système solaire.

D’autres cratères dans cette région sont également des candidats potentiels.

Donc pour les astronomes, trouver de la glace à cet endroit n’est pas une complète surprise?

Oui et non. Ils s’attendaient à de très larges variations de température. Mais trouver de la glace, c’était une autre paire de manches. Certains avaient toutefois émis des hypothèses en ce sens : à quelques reprises depuis 1991, des impulsions radars envoyées depuis des radios-télescopes sur Terre étaient revenues comme si elles avaient ricoché sur une surface plus lisse que le simple roc.

Les estimations préliminaires, parues dans Science, évoquent plus de 100 milliards de tonnes de glace. D’où vient toute cette eau?

Il ne faut pas oublier que les sondes spatiales et les télescopes ont détecté de l’eau un peu partout dans notre système solaire : sur des lunes de Jupiter et de Saturne, dans des météorites et sur notre propre Lune. Autrement dit, depuis une vingtaine d’années, l’eau — toujours gelée, jamais liquide, sauf sur Terre — s’est révélée une substance beaucoup plus répandue qu’on ne le soupçonnait.

Or, une partie de cette eau voyage beaucoup, par les comètes. Donnez à Mercure quatre milliards d’années comme à nous, et ça laisse du temps à pas mal de comètes pour s’y écraser. Une partie de la glace s’éparpille dans l’espace lors d’une collision, mais une partie se retrouve emprisonnée dans la roche, et peut y rester très longtemps.

Quel rapport avec nous?

De découvrir depuis 20 ans que la glace est à ce point répandue a renforcé l’idée que la vie puisse être plus répandue dans le cosmos qu’on ne le soupçonnait. Sur Mercure, entre la fournaise des 430 degrés Celsius et les souterrains glacés à moins 170, il pourrait exister une zone mitoyenne, où de la glace gèle et dégèle. Probablement pas en quantité suffisante pour créer un écosystème dynamique et varié, précise dans une seconde étude Gregory Neumann, du Centre des vols spatiaux Goddard, mais la Terre offre déjà un modèle : des bactéries, découvertes en 2008, capables de survivre à 3 kilomètres de profondeur, en l’absence totale de lumière et d’oxygène.