Les lacs de la planète manquent d'air

Les lacs de la planète manquent d'air

Photo du Lac Bourget (France)

Les lacs étouffent. Une récente étude démontre en effet que le nombre de lacs hypoxiques, où l’oxygène dissous se fait rare, croît fortement à l’échelle de la planète en raison des activités humaines.

« La courbe de diminution d’oxygénation des lacs est proportionnelle à l’urbanisation », affirme le chercheur du Centre Eau, Terre et Environnement (ETE) de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS), Jean-Philippe Jenny.

Alerté par l’analyse de trois lacs européens réputés pour leurs eaux limpides et accueillantes — le Lac Léman (Suisse), le lac du Bourget (France) et le lac d’Annecy (France) — qu’il a étudiée lors de sa thèse, le chercheur s’est plongé dans les données recueillies par d’autres équipes de recherche sur 365 lacs de la planète.

En analysant la structure des sédiments, le chercheur et son équipe ont découvert que le contraste saisonnier pouvait être corrélé à la courbe des activités industrielles et agricoles. Il relève même une accélération de l’eutrophisation des lacs entre 1930 et 1960 et un plafond entre 1960 et 1980. « Notre analyse de sédiments lacustres montre les effets de la révolution industrielle sur les lacs des six continents », note-t-il.

Les fonds des lacs forment en effet des archives naturelles qu’il est possible de dater tandis que les dépôts d’algues varient selon les saisons et l‘apport en nutriments, principalement du phosphore et de l’azote. Le relevé de la variation hivernale et estivale des dépôts a ainsi permis au chercheur de remonter le temps — un peu comme les cernes des arbres — jusqu’en 1700.

Lorsque les fonds des lacs montent rapidement sous la riche couche des sédiments, il se produit alors un changement d’état qui peut s’avérer permanent : turbidité des eaux, eaux hypoxiques, diminution de la faune, etc. Le processus d’eutrophisation — un processus naturel de remplissage du lac qui s’étend normalement sur des milliers d’années — se produit dorénavant trop rapidement pour que la faune lacustre s’adapte, explique le chercheur.

Un problème planétaire

S’il y a beaucoup de similarités entre les lacs d’Amérique du Nord et ceux d’Europe, où la révolution industrielle a été précoce, les lacs d’Asie et l’Afrique témoignent de leur récente accélération économique. « Les changements climatiques actuels et la concentration du phosphore dans les lacs diminuent la possibilité de contrer ce problème dans certains pays comme la Chine, qui vit depuis les années 1980 une révolution industrielle », pense-t-il.
Le Québec, riche de lacs, serait majoritairement épargné par ce phénomène, particulièrement au nord de la province où la présence humaine reste marginale, souligne le chercheur dans son étude publiée récemment dans la revue Global Change Biology. Toutefois, comme il a été possible de le constater ces derniers étés, les activités humaines cumulées aux changements climatiques stimulent aussi la croissance des algues, entraînant l’asphyxie des lacs.

Ce phénomène réduit le taux d’oxygène dissous disponible à la vie aquatique. « Le manque d’oxygène provient de l’accélération de la production primaire. On a donc plus de lacs avec des cyanobactéries (algues bleu-vert) et les poissons fuient ces eaux », relève-t-il.

Cette situation est difficile à renverser rapidement malgré de nombreux programmes de restauration. « Beaucoup d’efforts ont été cependant déployés ces dernières années pour stopper le problème. Le tableau n’est pas tout à fait négatif, mais la diminution d’oxygène est un paramètre que l’on a bien du mal à rectifier », conclut le chercheur.