La longue remontée : entretien avec la réalisatrice Karina Marceau

Trois des quatre protagonistes en vedette dans la série documentaire La longue remontée.

Une toute nouvelle série documentaire mettant en lumière le quotidien et le processus de rétablissement de quatre personnes nouvellement en situation de handicap sera diffusée à partir du vendredi 23 octobre à 21 h. Au cours des six épisodes de La longue remontée, vous pourrez découvrir les défis hors du commun auxquels les quatre protagonistes se frottent avec résilience. 

Animée par Sabryna Mongeon, l’émission, empreinte d’humanité, permet de mieux comprendre l’univers de la réadaptation physique avec un point de vue inédit sur la vie de personnes ayant accepté d’ouvrir la porte de leur maison, dans les plus sombres moments comme dans les plus beaux.

Afin d’en savoir plus sur cette nouveauté présentée sur ICI Explora, nous avons discuté avec la réalisatrice Karina Marceau.

Voici ce qu’elle nous a raconté.

 

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Pourquoi était-ce important de faire La longue remontée?

Parce que le processus de réadaptation physique est une expérience intense et extrêmement difficile chez ceux et celles qui le vivent. De nombreuses personnes ont des accidents physiques ou des problèmes de santé divers, ce qui veut donc dire que beaucoup de gens doivent vivre un tel processus, alors qu’il est assez méconnu. Ses impacts sont non seulement sur la personne qui doit réapprendre à fonctionner, mais sur ses proches aussi. Les répercussions ne sont pas que physiques, mais psychologiques, financières, sexuelles et autres. C’est l’ensemble de la personne qui doit se reconstruire, et je crois, par conséquent, que c’est un sujet dont il faut parler. Même si on n’est pas touché personnellement par une telle situation, on peut être inspiré par la série, puisque tout le monde vit des épreuves dans la vie, à plus ou moins grande échelle. Personne n’est épargné. Je pense que la démarche qu’il faut faire pour être capable de se reconstruire une vie après avoir vécu un tel bouleversement est un sujet qui est très porteur pour le commun des mortels.

Qu’est-ce que tu souhaites transmettre aux gens qui regardent la série?

En fait, d’abord et avant tout, je pense que la série permet de changer notre regard sur des personnes en situation de handicap. Souvent, on voit le handicap, puis la personne, alors que dans la série, c’est plutôt le contraire : on rencontre des individus attachants – tels qu’un père de famille et une future maman – avant de tenter de comprendre leur handicap et les épreuves qu’ils ont à surmonter. Ça change beaucoup la perspective dans notre rapport à ces gens-là. On observe également toute la résilience démontrée par les protagonistes qu’on a suivis, alors qu’ils ne croyaient jamais être capables de surmonter de telles épreuves. Ils ont trouvé cette force en eux. C’est un message très fort qui est véhiculé dans chacun des épisodes.

Qu’as-tu appris en réalisant l’émission?

Plein d’affaires, autant sur le plan technologique que sur le plan technique ou sur la façon d’accompagner les personnes qui vivent une épreuve de ce genre. De plus, la série s’attarde longuement sur la technique, le fonctionnement d’équipements comme des bras bioniques et des prothèses, par exemple. On peut également observer l’avancement sur le plan médical, notamment quand Dominic, ancien joueur de football, se fait implanter des nerfs provenant d’une autre partie de son corps dans les bras pour lui permettre d’y développer plus de force éventuellement. Il y a un énorme progrès dans les champs médical et technologique : c’est fascinant et ça change des vies. 

Les quatre protagonistes dont on suit le quotidien dans la série documentaire La longue remontée.

En suivant la série, on apprend aussi comment on peut aider quelqu’un qui a perdu une jambe à marcher correctement à l’aide de l’ergothérapie; il y a des avancées extraordinaires. L’émission permet aussi de suivre la courbe psychologique des protagonistes, qui est loin d’être linéaire, comme chez la plupart des gens dans la société d’ailleurs. L’état mental, tout comme l’état physique, ce n’est pas monolithique ou permanent; il y a des journées où ça va bien, et d’autres, pas du tout, sauf qu’il faut savoir les accepter. Ensuite, j’ai constaté la force de l’amour des proches. Ceux et celles qui sont bien entourés ont tendance à avoir des réadaptations beaucoup plus rapides et moins douloureuses. C’est fascinant! Comme quoi les liens sociaux ont des impacts sur les plans physique et psychologique.

Quels ont été les défis rencontrés au cours de la production?

Le défi, ça a d’abord été de trouver les personnages qui vivent une situation de vulnérabilité ultime et qui accepteraient de nous ouvrir leur porte quand ça va bien, pour célébrer avec eux, mais aussi quand ça va mal. Souvent, les personnes en situation de handicap sont soit magnifiées en étant qualifiées d’extraordinaires, ou traitées avec misérabilisme, sauf que la vérité, c’est ni l’un ni l’autre. Ce sont des êtres humains qui traversent une imposante épreuve et qui font de leur mieux. Ce ton me dérangeait. Quand je faisais la recherche pour la série en parlant à plein de personnes en situation de handicap, elles me disaient toutes la même chose : c’est tannant de se faire dire qu’on est donc merveilleux ou qu’on fait pitié. Je souhaitais explorer la vraie vie : les joies et les peines. C’était un contrat sur lequel on devait s’entendre avec les participants. Trouver ces gens qui avaient cette ouverture de me laisser entrer dans leur quotidien, ça a pris beaucoup de temps, de nombreuses démarches et une multitude de rencontres. Ça a été la partie la plus angoissante, mais une fois que les contacts ont été faits, que le premier tournage a été commencé, il y a tout de suite eu une magie qui s’est opérée, notamment grâce à l’excellent travail de notre équipe de production.

Qu’est-ce qui te rend le plus fière dans le résultat?

C’est l’authenticité. D’avoir capté des moments du quotidien, des difficultés, et de nous en être servis pour en tirer des apprentissages, pour qu’on puisse aller plus loin dans notre réflexion : c’est l’émotion qui amène l’information. Les retours que j’ai, à la fois des personnes en situation de handicap et des protagonistes ayant pris part à l’émission, c’est que ça leur a été bénéfique de faire ça. Ça a donné du sens, ça a brisé des tabous. Je pense que c’est une pierre dans la fondation qui permettra, éventuellement, de changer le regard porté sur les personnes en situation de handicap. C’est de ça que je suis le plus fière. Ça, et le ton, parce que j’ai la prétention de dire que j’ai trouvé le bon ton pour que ce ne soit pas racoleur non plus, alors qu’il aurait été facile de tomber là-dedans.

Est-ce que tu as des moments d’émotion ou des anecdotes de tournage à partager?

Oui. Le tournage de l’ouverture avec les quatre protagonistes a été une expérience que je n’oublierai jamais. C’était en février dernier, un lendemain de tempête, et le restaurant où on allait dîner était à peu près à 300 mètres du studio où on était, sauf que le déneigement n’avait pas été fait, et on ne pouvait pas avoir de transport adapté entre les deux lieux. Pousser le fauteuil roulant de Dominic, ancien joueur de football de 6 pieds 3 pouces et 240 livres, dans la neige et prendre Sabryna dans nos bras pour l’emmener au restaurant, c’était quelque chose. Vivre en situation de handicap au Québec, c’est loin d’être évident quand on parle d’accessibilité. Un autre exemple : souvent, dans les lieux de tournage, il fallait prendre Sabryna dans nos bras pour l’amener aux toilettes parce qu’elle ne pouvait s’y rendre avec son fauteuil.

Karina Marceau, merci beaucoup d’avoir pris le temps de nous parler. Nous souhaitons de tout cœur que les gens soient au rendez-vous pour regarder la série!

Merci beaucoup!

Voici un extrait du premier épisode :

 

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Pour regarder le premier épisode de la série documentaire La longue remontée, rendez-vous ce vendredi à 21 h à ICI Explora.