Invasions d'algues sous la glace

Invasions d'algues sous la glace

Des éclosions d’algues le long des rives, ça va, mais cachées sous les glaces de l’Arctique? N’ont-elles pas besoin de lumière, ces petites bestioles?

Apparemment non, et c’est bien ce qui surprend les auteurs de la découverte parue récemment dans Science : « Une prolifération massive de phytoplancton a été découverte sous la calotte glaciaire arctique, dans la Mer des Tchouktches. Cette éclosion subglaciaire, jusqu’ici présumée impossible, nécessitera une réécriture de ce que nous savons des écosystèmes de l’Arctique — et constitue un indicateur potentiel des effets du réchauffement climatique dans le Grand Nord. »

Ces chercheurs de l’Université Stanford, en Californie, ont en effet identifié des colonies entières de ces micro-organismes végétaux, s’étendant sur des dizaines de kilomètres, et qui échappaient jusqu’ici au regard des satellites. On ignore du coup si cette prolifération peut avoir des effets, bons ou mauvais, comme c’est le cas plus au sud, sur le reste de la vie marine.

En temps normal, le phytoplancton est indispensable au cycle de vie : il est à la base de la chaîne alimentaire, en plus de produire une bonne partie de l’oxygène que l’on doit au règne végétal. Mais là comme ailleurs, trop, c’est comme pas assez.

Il est certain que la lumière y est pour quelque chose : ce n’est pas pendant l’hiver arctique que se produit cette prolifération, mais pendant l’été, alors que le soleil se maintient perpétuellement au-dessus de l’horizon. Mais cette lumière avait toujours été considérée trop faible pour suffire aux besoins d’une colonie massive de phytoplancton, à plus forte raison une colonie dormant sous une couche de 90 centimètres de glace.

Ce qui a changé récemment, c’est la fonte des glaces dans cette région : il est possible que davantage de lumière se rende désormais là-dessous, et c’est peut-être ce qui a fait la différence.

« Le taux de croissance sous la glace est plus élevé que je ne le croyais possible, explique le chercheur principal, Kevin Arrigo, dans le communiqué de l’Université Stanford. Les cellules d’algues qui prendraient normalement trois jours pour se diviser doublent plus d’une fois par jour. »

La découverte provient justement d’une équipe qui parcourait l’océan Arctique — à bord d’un brise-glace américain — pour étudier comment la vie marine s’adapte au récent recul de la banquise (le projet ICESCAPE, ou Climate on Ecosystems and Chemistry of the Arctic Pacific Environment).

Pour en savoir plus

Mer de Chukchi (en anglais) ou des Tchouktches (en français) : au nord-ouest de l’Alaska, dans la région de l’océan touchant d’un côté aux États-Unis (Alaska) et de l’autre à la Russie (district de Tchoukotka).

Le programme ICESCAPE, financé par la NASA.