Entrevue | Karim Awad et l’art du Lego

Entrevue | Karim Awad et l’art du Lego

À la fois architecte, professeur de bandes dessinées, avide joueur d’échecs et gestionnaire de projet, Karim Awad trouve pourtant toujours du temps pour sa grande passion : les blocs Lego. Avec son entreprise, il transmet maintenant son savoir-faire aux plus jeunes, et il expose ses créations aux multiples thématiques un peu partout. L’homme à la source des structures colorées de la dernière vidéo promotionnelle d’ICI Explora nous raconte son parcours et l’histoire derrière son talent inusité.

D’où vient votre passion pour les blocs Lego?

Ça a commencé quand j’avais 3 ou 4 ans. J’étais hyperactif, et mon père m’avait initié au monde des échecs, du dessin et des blocs Lego. Il a réalisé que, devant ceux-ci, j’étais l’être le plus calme de la planète! Mon grand-père était architecte et maquettiste professionnel. Il m’a appris à construire des maquettes architecturales à un très bas âge. Avec lui, j’ai appris les perspectives, le dessin des immeubles, les maquettes et la manière de les exécuter en Lego, c’était fascinant. J’ai étudié dans le monde de l’architecture, je suis architecte de formation grâce à mon grand-père, qui a toujours été mon mentor. Ce sont des principes qui reviennent à 100 % dans mes constructions.

Comment en êtes-vous venu à donner des ateliers de Lego à des jeunes?

Je remarquais que les enfants avaient une attirance pour ça et s’amusaient beaucoup. C’est là que j’ai commencé à développer des cours spécialisés de Lego pour expliquer le monde de l’architecture et de l’art à travers ces belles pièces.

C’est ma vingtième année dans le domaine. Mon entreprise a mis sur pied beaucoup de programmes pour développer la dextérité des enfants, pour améliorer énormément leur confiance, le partage et le travail d’équipe. Plus jeune, j’ai aussi été professeur de mathématiques. J’ai appris beaucoup aux enfants avec les blocs Lego : comment calculer, comment comprendre les perspectives, la géométrie. C’est un outil de travail fascinant pour communiquer avec les jeunes. Dans les milieux défavorisés où je vais faire des ateliers, ça [rend les blocs accessibles] aux enfants qui n’ont parfois pas la chance d’en avoir.

Les aventures du Pharmachien, interprété en Lego par Karim Awad.

Quel est votre processus pour créer une œuvre en Lego?

Je fais toujours des croquis, comme si je travaillais sur une vraie architecture. Je fais des esquisses, ensuite, je commence la sélection et le tri des pièces. Si elles sont toutes là, je commence la construction. C’est basé sur des photos, des plans, etc. Je m’assure que j’ai un plan à suivre, que je l’ai relu, que mes pièces sont à la bonne place et bien préparées. Il faut être extrêmement organisé, avec chaque pièce au bon endroit.

C’est un processus qui nécessite beaucoup de créativité, il faut avoir énormément confiance en soi. Si l'on fait des erreurs en cours de route, c’est presque impossible de retourner en arrière, d'autant plus que les pièces sont soudées par de la colle forte!

Il faut avoir une mémoire d’éléphant, honnêtement, car il faut s’assurer de toujours savoir où l'on a mis ses affaires. Sinon, une construction qui est censée prendre un mois peut prendre deux ou trois ans. C’est quand même assez long. Pour éviter la procrastination, il faut sauter d’un projet à l’autre, tant qu’il n’y a pas d'échéancier. C’est toujours plusieurs projets à la fois!

Deux ou trois ans? Il faut avoir de la patience!

Oui. Parfois, on fait une création et il peut manquer une pièce précise pendant des mois, voire des années. Un jour, on la trouve. C’est là qu’on peut aller achever sa création. Ça exige énormément de patience. On peut construire pendant des heures, des jours, des semaines sans nécessairement voir un progrès.

Les enfants n’ont pas toujours cette patience-là. Les blocs Lego leur apprennent cette patience; à s’asseoir, s’installer, à croire à leurs œuvres de A à Z et à attendre pour les voir se réaliser.

Combien de pièces utilisez-vous en moyenne pour une construction?

Pour les grandes structures, ça peut être entre 55 000 et 58 000 pièces. J’ai fait une statue de la liberté de 1,5 mètre sur 45 centimètres, elle a pris environ 22 000 pièces. J’improvise certaines parties afin d'économiser des pièces, pour éviter de les mettre dans certains secteurs et pouvoir ainsi les réinvestir ailleurs.

C’est beaucoup! Votre collection de pièces doit être impressionnante.

Honnêtement, j’ai arrêté de compter depuis l’âge de 27 ans. Ce serait juste comique de donner un chiffre, mais c’est sûr que c’est dans les millions. La maison est pleine à craquer, et surtout, il n’y a même plus de place dans l’atelier! Nous sortons [les pièces] un peu partout, nous laissons parfois des expositions quasi permanentes dans les bibliothèques, ça libère un peu d’espace.

Mes méthodes pour obtenir des pièces Lego sont secrètes, mais pas illégales, je vous rassure! Je n’achète jamais du neuf, je réutilise [celles que j'ai]. Ma collection va toujours grandir, il y a constamment de nouveaux défis à relever et de nouvelles pièces pour améliorer les créations.

Il y a toujours un projet qui mijote dans l'atelier de l'expert du Lego.

Si vous n'aviez qu'un seul bloc pour construire, lequel choisiriez-vous?

La pièce standard 2x4 grise, couleur château! C’est celle que je laisse à la porte de mon bureau. C’est un classique, la quantité de combinaisons avec cette pièce est infinie! Le monde des Lego c’est un monde tellement fascinant parce qu’il n’a pas de limites. Les contraintes existent, mais elles sont aussi un peu imaginaires.

Les blocs Lego ont plus de 60 ans! Comment font-ils pour demeurer si populaires?

Les blocs Lego ont beaucoup évolué en matière de formes. Ce n’est plus les six couleurs de bases. La palette s’est agrandie, les personnages, les thèmes… Ça suscite beaucoup d’engouement. L'industrie du Lego n’a jamais été aussi puissante dans le monde, le marketing est impeccable.

La communauté du Lego à Montréal n’est pas aussi forte qu’en Europe ou ailleurs. Le Danemark, l’Allemagne, la France… ce sont les royaumes du Lego là-bas. Ici, c’est plus discret, mais on commence à devenir peu à peu une ville Lego. Ça fait plaisir à voir.


Avide de voir Karim Awad en action? Découvrez sa collaboration avec ICI Explora dans une nouvelle capsule créative qui illustre l’arrivée de la programmation automnale!