Les écrans rendent myopes : mythe ou réalité?

Un enfant portant des lunettes regarde une tablette.
crédit photo : lithiumcloud/iStock

« Lève le nez de ton téléphone, tu vas finir par t'abîmer les yeux. » Cette phrase vous est familière? Cet avertissement semble tout indiqué quand on sait que les cas de myopie ont doublé dans la province depuis 2000, selon l’Ordre des optométristes du Québec. 

Comme cela coïncide avec l'arrivée du numérique dans les foyers et les écoles, il n’en fallait pas plus pour mettre les ordinateurs, les téléphones intelligents et les tablettes au banc des accusés. Mais les écrans rendent-ils vraiment myopes?

 

Réponse : aucune étude n’a en fait démontré de corrélation directe entre les écrans et la myopie, ce trouble de la vue qui se caractérise par une vision nette de près, mais floue de loin. 

Explication : si les écrans n’émettent pas de radiations nocives, notre environnement numérique et souvent trop connecté n’est toutefois pas étranger à ce phénomène qualifié d’épidémie mondiale par l'Organisation mondiale de la Santé (OMS). D’après une étude publiée en 2016 dans la revue Ophthalmology, près d’une personne sur deux aura d’ailleurs besoin de lunettes (sera myope) en 2050.

La génétique joue un rôle important dans le développement de ce trouble : vous aurez trois fois plus de chances de devenir myope si l’un de vos parents l’est aussi, sept fois plus si les deux le sont. Outre l’hérédité, d’autres facteurs sont montrés du doigt.

Dans la majorité des cas, la myopie est causée par un globe oculaire trop long. Une courbure du cristallin ou de la cornée trop prononcée peut également entraîner un trouble de la vision. Résultat : la mise au point de ce que l’on voit se fait en avant de la rétine plutôt que sur celle-ci, renvoyant ainsi au cerveau une image floue. 

Or, le manque d’exposition à la lumière naturelle perturberait la croissance de l'œil, selon les résultats de plusieurs recherches. Passer du temps à l’extérieur stimulerait la production de dopamine, un neurotransmetteur qui empêche l'œil de s’allonger. L’Ordre des optométristes du Québec préconise d’ailleurs de passer au moins 45 minutes dehors quotidiennement, quelle que soit la saison, pour ralentir la progression de la myopie.

Jouer à l'extérieur veut aussi dire passer moins de temps entre quatre murs, les yeux rivés sur un écran… ou sur un roman! Car si la lumière générée par les écrans est souvent mise en cause dans l'apparition de la myopie, c’est plutôt la sursollicitation de notre vision de près qui en serait responsable. Le temps passé à écrire, à lire et à étudier participerait donc tout autant au développement de ce trouble de la vision. C’est peut-être ce qui explique pourquoi nous avons souvent l’image de l’élève studieux portant des lunettes.

L’Ordre des optométristes du Québec suggère de son côté que l’adaptation constante que nous imposons à notre œil semble lui nuire. On lui demande de se focaliser simultanément sur notre écran d’ordinateur, le clavier et un document posé sur le bureau, sans compter les coups d'œil furtifs à notre téléphone intelligent en cas de notification et le collègue qui traverse notre champ de vision.

 

Les effets de la lumière bleue

Si les écrans ne sont pas directement responsables de la myopie, une étude australienne a dévoilé en 2021 que notre rythme circadien, soit le changement entre l'état de veille et le sommeil, jouait un rôle important dans le développement de la myopie. 

La lumière bleue émise par le téléphone portable agit négativement sur notre taux de mélatonine, ce qui retarderait l’endormissement. L’équipe de recherche australienne a d’ailleurs constaté que les personnes myopes dormaient 1 h 12 de moins que les autres. 

Pour retarder la progression de la myopie, l’Ordre des optométristes du Québec recommande d’adapter notre environnement de lecture et de travail pour réduire la fatigue oculaire. On peut par exemple limiter les contrastes trop importants grâce à des sources d’éclairage adéquates, positionner nos éléments de travail à des distances similaires ou encore faire des pauses toutes les 20 minutes en scrutant l’horizon pendant 20 secondes.  

Surtout, plutôt que de répéter à nos enfants de lever le nez de leur écran ou de leur bouquin, pourquoi ne pas tout simplement leur suggérer de s’en éloigner ou, mieux, d’aller jouer dehors?