L'eau potable au Canada serait menacée

Photographie d'une rivière présente dans le parc national de Banff, situé dans les Rocheuses canadiennes.

Le Canada est une véritable mine d’or bleu, recelant près de 7 % des réserves planétaires d’eau douce renouvelable. Mais, selon plusieurs environnementalistes, les Canadiens doivent immédiatement cesser de la gaspiller. Avec l’accroissement de la population et l’aggravation de la pollution sur terre, cette richesse ne serait ni plus ni moins que menacée.

« Plusieurs Canadiens ne connaissent pas la réalité de l’eau potable dans le monde, et surtout celle au Canada, souligne Mathieu Bergeron, professeur en assainissement des eaux au Cégep de Saint-Laurent. Ils croient qu’elle est gratuite et infinie, mais ils se trompent. » Selon l’enseignant, de nombreux Canadiens ignorent que l’eau douce* au pays subit actuellement de grandes pressions.

* L’eau douce se caractérise par sa faible teneur en sel, lui permettant d’être traitée et ensuite consommée. Elle n’est pas, en soi, de l’eau potable.

Mais revenons à nos moutons. Dans un rapport publié en 2009, le Fonds mondial pour la nature du Canada (WWF-Canada) décrit l’état inquiétant des étendues d’eau douce canadiennes. Il affirme, à cet effet, que le débit maximal de l’ensemble des rivières canadiennes a diminué au cours des dernières années.

« Nos systèmes d’eau douce subissent des pressions quotidiennes. La population grandissante demande de plus en plus d’eau potable. [...] Face aux demandes croissantes exercées sur les quantités limitées d’eau douce de la planète*, le maintien du régime d’écoulement des rivières pose un défi grandissant », note le WWF-Canada dans le rapport intitulé Le péril dans les eaux canadiennes. D'ailleurs, l'Organisation de coopération et de développement économiques a affirmé, en 2012, que la demande d'eau mondiale devrait grimper de 55 % entre 2000 et 2050. 

*Si plus de 70 % de la surface de la Terre est couverte d’eau, seulement 2,3 % de ce chiffre représente de l’eau douce. De plus, seulement 0,7 % de l’aire terrestre se constitue d’eau pouvant être utilisée par l’humain, puisqu’une grande proportion de l’eau douce sur la planète se trouve sous forme de glaces et de neiges permanentes, ce qui nous empêche de la consommer.

La décroissance du débit des eaux aurait déjà eu des conséquences négatives sur certaines communautés canadiennes. Le professeur au Cégep de Saint-Laurent mentionne à cet égard qu’en 2005, des citoyens de la Rive-Nord, dans la grande région de Montréal, ont été touchés par la décrue de la rivière des Mille-Îles. Devant cette baisse, plusieurs personnes auraient été forcées de réduire leur consommation d’eau potable, en diminuant la durée de leur douche par exemple.

Les Canadiens tiennent leur eau pour acquise

« Au Canada, nombreux sont ceux qui agissent comme des gens très riches qui ne font pas attention à leur argent », indique le professeur, également chroniqueur à l’émission de radio Les éclaireurs. À son avis, ces gens croient, de façon erronée, que l’eau potable est une ressource inépuisable. 

Le WWF-Canada se désole également qu’une partie considérable de la population du Canada considère, à tort, que les étendues d’eau douce au pays sont hors de danger, et ce, uniquement parce que leur volume est important. « Le Canada compte parmi les nations les mieux nanties en eau douce. Cependant, l’histoire passe sous silence un aspect fondamental de la santé de nos cours d’eau : le débit »,  est-il indiqué dans le rapport.

Cette façon de percevoir l’abondance de cette ressource représenterait d’ailleurs l’une des raisons qui expliquent la consommation excessive d’eau potable par les résidents du Canada. Selon une étude de l’Université McGill, chaque Canadien utilise en moyenne 329 litres d’eau, et ce, uniquement à son domicile. Les Québécois, eux, en consommeraient près de 400. Ces données sont plutôt saisissantes, particulièrement lorsqu’on sait que chaque Français consommerait un peu plus de 100 litres d’eau par jour.

« Au pays, l’offre en eau douce devrait continuer à répondre à la demande de façon générale. Il faut toutefois que les Canadiens comprennent que les opérations de traitement des eaux entraînent des coûts, tant pour l’État que pour l’environnement », explique Mathieu Bergeron.

Ainsi, plus les Canadiens économisent leur eau potable, plus ils diminuent la pression exercée sur les eaux douces canadiennes. « Restreindre sa consommation d’eau potable ne sauvera pas les pays du tiers-monde de la pénurie d’eau, mais cela permettra de réduire son empreinte écologique », résume le professeur. Il n'existe, à vrai dire, actuellement aucune législation canadienne permettant de vendre ou de donner l'eau douce canadienne à des pays tiers en très grandes quantités.

Aux dires de l’organisation écologique WWF-Canada, l’accroissement de la population mondiale n’est pas le seul facteur responsable de la réduction du débit des eaux canadiennes. L’aggravation des changements climatiques, qui entraîne entre autres des sécheresses et des inondations plus intenses, se trouverait aussi à la base de ce problème.

De gestes très simples, tels que fermer le robinet lorsqu’on se brosse les dents ainsi qu’ajouter une bouteille d’eau dans la cuve de sa toilette, permettent de réduire sa consommation d’eau de façon importante.

Cela étant dit, il s’avère néanmoins important pour Mathieu Bergeron de relativiser le problème : la situation de l’eau potable au Canada est tout de même très envieuse pour bien des gens sur la planète. L’Organisation des Nations unies affirme d’ailleurs que plus de 2,1 milliards de personnes n’ont toujours pas accès à des services d’eau potable gérés de façon sécuritaire.