La couturière volante, ou l’art de faire durer les vêtements

Thérèse Sagna à la friperie Les Chiffonnières de Matane
Thérèse Sagna à la friperie Les Chiffonnières de Matane

Le Regroupement des femmes de Matane est bien déterminé à prévenir le gaspillage de textiles et à prolonger la vie de vêtements invendus de friperies grâce au projet de couturière « volante ».  

 

« Le projet devrait commencer aux alentours d’avril », nous confirme en entrevue téléphonique l’éloquente Thérèse Sagna, intervenante et coordonnatrice du Regroupement des femmes de Matane, en Gaspésie, qui existe depuis 1977. La MRC et la Ville de Matane ont d’ailleurs déjà injecté du financement, selon ce qu’elle indique.  

Avant de préciser la nature dudit projet, un peu de contexte. 

Depuis deux ans, quelques fois par année, un conteneur quitte Matane pour Montréal rempli de vêtements d’occasion laissés pour compte dans les friperies de la Matanie. À destination, ils sont redistribués ou envoyés dans des pays défavorisés. C’est le Regroupement des femmes de Matane, qui abrite lui-même la friperie Les Chiffonnières, qui s’occupe de les trier.

Malgré ce genre d’actions, Mme Sagna en a vu, des invendus de friperies prendre la route des sites d’enfouissement depuis son arrivée au Canada. Et ce gaspillage de textiles, fléau au Québec – comme en témoigne un rapport sur la circularité de l’industrie textile que le collectif de spécialistes et d’organismes MUTREC a publié en 2020 –, la sidère. 

« Dans mon pays, avec ce qu’on balaie devant sa maison, tout ce que tu vois peut faire du feu de bois », raconte celle qui est originaire du Sénégal. « Je viens dans un pays comme ici, qui est, pour moi, un pays exemplaire, et je vois des choses que je n’aurais jamais pu imaginer. Des habits que tu jettes, ça n’existe pas dans mon pays. Au Sénégal, tu ne jettes pas, là! Donc, ça fait mal au cœur de voir ça. »

 

« Envoyer du linge à la poubelle, c’est envoyer le linge à l’enfouissement », résume-t-elle. 

 

Elle poursuit, soulignant une autre anomalie. « Non seulement la planète en paie le prix, mais les organismes aussi sortent de l’argent pour jeter. C’est payer pour empoisonner notre environnement », lance celle dont l’engagement environnemental ne date pas d’hier. Et la vigueur de sa voix ne laisse planer aucun doute.

Mme Sagna et les femmes du Regroupement ont voulu agir davantage. De là est née l’idée de la couturière volante.

 

À vos aiguilles!

« Il y a du beau linge qui arrive à la friperie, mais des fois, le vêtement est trop long, trop court, et ça prendrait une couturière pour faire la réparation », illustre Thérèse Sagna. 

Munie de son savoir-faire, la couturière sillonnera les municipalités de la région afin d’offrir services ou leçons dans le cadre d’ateliers. Car faire réparer ses vêtements usés ou apprendre à les raccommoder soi-même, n’est-ce pas la meilleure façon de prolonger leur vie? 

Les vêtements d’occasion très abîmés auront droit, quant à eux, à une métamorphose complète lors d’ateliers de création : sacs fourre-tout, serviettes de table, matelas pour animal de compagnie, etc. « On ne veut rien jeter; on veut réutiliser tout ce qu’on peut réutiliser, explique Mme Sagna. Les invendus dans les friperies, s’ils sont finis et qu’on ne peut plus les envoyer quelque part, on va les utiliser. On peut prendre les boutons, la fermeture éclair et des morceaux de tissu d’un habit déchiré pour faire des sacs à bouteilles de vin, ou n’importe quoi. »

Ultimement, Mme Sagna souhaite que le projet conscientise la population, bien que celle de la Matanie soit déjà bien à l’œuvre sur ce front. « Matane, c’est une ville extraordinaire où sont nées plein d’initiatives. Il y a même un comité d’environnement », indique-t-elle.  

L’intervenante appelle néanmoins les friperies de tous les villages à conscientiser les personnes qui y déposent des vêtements. « C’est notre vie, donc on doit prendre soin de cette planète », rappelle-t-elle.

 

Une Matanie conscientisée

Les Chiffonnières, friperies des autres villages, bénévoles, personnes élues, centre communautaire Relais Santé, MRC, Société d’aide au développement des collectivités : l’on ressent, dans la voix de Thérèse Sagna, toute la reconnaissance que lui inspirent les nombreux acteurs et actrices du projet. 

« On travaille vraiment ensemble, même avec des villages éloignés de la ville comme Saint-Adelme ou Saint-Jean-de-Cherbourg. Tout le monde est conscientisé. Tout le monde est sensibilisé. Les personnes qui travaillent avec nous, elles se sont vraiment données à fond. Tout le monde a répondu », se réjouit Mme Sagna. 

Le monde politique n’en fait d’ailleurs pas abstraction. « Nos élus ont été rejoints. Car c’est important qu’ils sachent qu’ils ont été élus par nous autres, la population. Les élus sont là pour répondre. Ils savent qu’il y a des choses qui n’ont pas d’allure », dit-elle, soulignant par la même occasion l’implication de Pascal Bérubé, député péquiste de Matane-Matapédia, et de Kristina Michaud, députée péquiste d’Avignon–La Mitis–Matane–Matapédia, qui « tient vraiment le bout au Bloc sur le plan environnemental. Elle est vraiment dedans. »

Maintenant, Thérèse Sagna souhaite « que tout le monde [les] entende » afin que s’étoffe toujours plus la collaboration. « On essaie vraiment que tout aille bien, non seulement chez nous, mais aussi partout. On va essayer d’aller travailler un peu partout pour que tout le monde fasse la même chose, et qu’en faisant ça, on sauve notre planète », conclut-elle. 

L’une des missions du Regroupement des femmes de Matane? Assumer un rôle d’éducation et d’information auprès de la communauté. Le projet de couturière volante s’y inscrit résolument.