L’étudiante en microbiologie Chloé Savard s’intéresse aux minuscules organismes qui peuplent notre planète. Depuis un an, elle fait part de ses découvertes et de sa passion aux milliers de personnes abonnées à sa page Instagram (@tardibabe). L’équipe d’ICI Explora est allée à sa rencontre pour mieux comprendre cet univers méconnu.
C’est dans son appartement que la Montréalaise de 27 ans effectue ses observations. Posé sur un bureau près de son ordinateur, son outil de travail principal : un puissant microscope qui lui permet de mettre en lumière la vie secrète des minuscules organismes qui nous entourent.
« Quand j’utilise mon microscope, c’est comme une méditation pour moi! Si je ne suis pas de bonne humeur, quand rien ne va, je m’assois devant mon microscope, je mets un peu de musique, puis j’ai ma bulle. C’est une passion. Ça faisait longtemps que je ne m’étais pas sentie comme ça par rapport à quelque chose que je faisais dans ma vie! »
- Chloé Savard
À l’aide d’un adaptateur, elle utilise son téléphone pour filmer et photographier ses découvertes avant de les publier sur son compte Instagram. C’est il y a environ un an qu’elle a sauté à pieds joints dans cette aventure, en suivant les conseils de scientifiques déjà bien visibles sur le réseau social, comme le microbiologiste Martin Kristiansen (@my.microscopic.world).
« J’ai commencé à voir des vidéos de microbiologie sur Instagram, des gens à qui je parle beaucoup aujourd’hui, mais dans le temps, c’était vraiment une grosse découverte pour moi! Je me suis dit : "Wow, c’est vraiment hot. J’aimerais ça faire ça, moi aussi'' », explique Chloé Savard.
Chloé Savard, l'étudiante en microbiologie derrière le compte Instagram @tardibabe. Photo : Martin Ouellet-Diotte / ICI Explora
Plus de 400 publications et 20 000 abonnés plus tard, elle continue de voir sa passion pour le sujet grandir. Sa page Instagram est aujourd’hui un endroit formidable pour découvrir les créatures qui peuplent cet univers microscopique. Chaque micro-organisme y est identifié et accompagné d’une mise en contexte s’appuyant sur de solides références scientifiques.
« J’essaie de vulgariser [les informations] autant que je peux tout en gardant les faits scientifiques, précise Chloé Savard. Ça attire toutes sortes de gens : j’ai des profs et des postdoctorants qui me suivent, des mères avec leurs enfants qui adorent les tardigrades, des gens qui aiment la science-fiction… J’ai vraiment un public assez large. »
Ses publications suscitent l’engagement et elles lui ont aussi permis de décrocher des contrats avec des entreprises connexes de son domaine, comme le fabricant de microscopes Motic.
« Tardibabes » et échantillonnage
Les tardigrades occupent une place particulière dans le monde coloré présenté sur la page de Chloé Savard. Ces « tardibabes », comme elle les surnomme affectueusement, font partie de son quotidien depuis qu’elle les a observés pour la première fois.
Ces sympathiques petites bêtes ont grandement été médiatisées dans les dernières années en raison de leur capacité à s’adapter aux environnements extrêmes. Leur habileté à survivre dans l’espace et à résister à des impacts hallucinants a notamment contribué à leur popularité.
Afin de pouvoir les observer, l'étudiante en microbiologie a d’abord commandé un échantillonnage auprès d’une entreprise spécialisée. Aujourd’hui, elle possède sa propre culture de tardigrade issue de cette même souche.
Un petit tardigrade sous le microscope de Chloé Savard.
« Durant l’hiver, je commandais des organismes à des entreprises qui vendent du matériel scientifique. C’est ce que je faisais pour les tardigrades. J’ai encore la culture et même des sous-cultures maintenant. Je dois en avoir une centaine. J’avais tellement de questions sur les tardigrades et j’ai appris à les connaître peu à peu », explique-t-elle.
Maintenant, elle effectue surtout son propre échantillonnage pour découvrir de nouveaux micro-organismes. C’est une pratique bien simple, mais les surprises sont toujours au rendez-vous lorsque vient le temps d’observer les échantillons ainsi recueillis.
« Je viens juste de commencer l'échantillonnage au Jardin botanique. C’est souvent des surprises, je ne sais pas toujours ce que seront mes publications. Ça dépend toujours de mes échantillons et des organismes dans ceux-ci. Ce qui est intéressant, c’est le nombre d'organismes que je peux découvrir. On n’a jamais tout vu. »
Une pratique à explorer?
Chloé Savard assure à quiconque voulant se lancer dans ce genre d’activité que ce n’est rien de trop compliqué, à condition de se procurer le bon matériel et d’avoir assez de passion pour persévérer. Il existe des microscopes pour tous les budgets et il suffit d’un peu de patience et de curiosité pour réaliser ses premiers pas dans ce monde fascinant.
« Moi, j’ai commencé avec un microscope à 300 $ qui était très bon pour le prix. Il y a des entreprises qui font de bons microscopes pas trop chers. Ça peut être accessible à tout le monde. Pour l'échantillonnage, c’est vraiment simple. Il suffit de prendre un peu d’eau d’un étang et voilà », précise l’étudiante en microbiologie.
Selon elle, le plus difficile pour les personnes qui se lancent est sans doute tout ce qui est lié à la manipulation du microscope en tant que tel : le choix de l’objectif et les ajustements pour faire la mise au point ne sont pas nécessairement évidents pour commencer. Il est toutefois possible de surmonter ces difficultés avec quelques heures de pratique.
« Récemment, j’ai trouvé un organisme que je voulais voir depuis longtemps, qui s’appelle nassula. Tout le monde n'arrêtait pas de dire que ça avait l’air d’une pizza. C’était une surprise de le trouver; ils sont parfois difficiles à reconnaître. »
À deux ans de l’obtention de son premier diplôme en microbiologie, l’étudiante de l’Université de Montréal s’interroge sur son avenir, tiraillée entre la recherche et la création de contenu. Pour l’instant, elle envisage la poursuite de ses études jusqu’à l’obtention d’un doctorat, mais elle se laisse le temps d’y réfléchir.
« Pour l’instant, je veux faire une maîtrise et un doctorat. J’aime vraiment ça, car j’adore apprendre. Peut-être que je vais faire une maîtrise et après décider de m'en tenir au microscope et à des contrats, mais je me laisse encore le temps. J’ai plus confiance qu’avant en l'avenir. »
En attendant, elle poursuit un stage au Jardin botanique avec l’Institut de recherche en biologie végétale de l’Université de Montréal. Pour en savoir plus sur les activités de Chloé Savard et plonger dans son univers d’observation microscopique, on vous invite à aller faire un tour sur sa page Instagram!