Parlons caca avec Boucar Diouf!

L'humoriste et biologiste Boucar Diouf parle au micro. Il est souriant.

La microbiologiste canadienne Jennifer Gardy est sans équivoque : les excréments regorgent de propriétés bénéfiques. Dans le documentaire L’étonnant pouvoir du caca, qui sera diffusé en primeur le vendredi 26 avril sur ICI Explora, la scientifique présente les résultats absolument saisissants d’une foule d’expériences menées au sujet des excréments. Mais cette chercheuse ne se montre pas l’unique intéressée en la matière. Au Québec, le biologiste et humoriste Boucar Diouf a publié un essai entièrement consacré au sujet.

Rencontre avec l’auteur d’Apprendre sur le tas : la biologie des bouses et autres résidus de digestion, qui s’avoue complètement fasciné par cette substance aussi adulée que dédaignée par les êtres humains.  

À l’opposé de son fils Anthony, Boucar Diouf entretient une relation, disons harmonieuse avec le caca. Et, de son propre aveu, cette opposition de points de vue a déjà entraîné de petits accrochages dans le cocon familial­. « Mon garçon dédaigne tellement les excréments qu’il m’a contraint de ne pas inscrire son nom dans les remerciements du bouquin », dit-il avec le sourire dans la voix.

C’est que, contrairement à son fils aîné, le chroniqueur originaire du Sénégal a été témoin des retombées positives que les matières fécales peuvent engendrer, et ce, dès un très jeune âge.  « Dans mon pays natal, mettre ses mains dans le caca de cheval, ce n’est absolument rien, surtout si tu es issu d’une famille de cultivateurs. »

Boucar Diouf se rappelle que, lorsqu’il avait environ 7 ans, il pouvait passer des heures à récupérer le crottin des chevaux et des ânes, mais également les bouses des vaches, des moutons ou des chèvres. « Comme je le dis souvent, j’ai été dans la merde toute ma jeunesse », blague-t-il. De façon plus sérieuse, il indique que les récoltes étaient ensuite étalées dans les champs à titre de fertilisant. Pour lui, les selles animales ne représentaient, à l’époque, ni plus ni moins que de l’or.

Québécois depuis 1991, l’adroit conteur ne s’étonne plus du dégoût des Occidentaux envers les excréments. Lui aussi consent qu’au premier abord, ils sont plutôt rebutants, spécialement en raison de leur odeur. Cela dit, il s’étonne toujours que ces mêmes personnes qui dédaignent les étrons les adulent également dans d’autres circonstances.

« Je crois que nous sommes tous à la fois fascinés et dégoûtés par les matières fécales. » Selon lui, cette perception dichotomique se traduit même jusque dans le vocabulaire. À titre d’exemple, il souligne les expressions québécoises « être mardeux » ainsi qu’« être plein de marde » qui, malgré leur champ lexical analogue, ont une définition aux antipodes.

Les pouvoirs inusités du caca

Au cours de l’entrevue, le ton de l’auteur porte à la rigolade. En dépit des nombreuses recherches sérieuses qu’il a menées au sujet des excréments, il ne peut pas s’empêcher de formuler quelques jeux de mots sur le bon vieux caca. Après tout, l’humour se trouve au cœur de sa personnalité et de son travail. « Mon but, c’était d’abord de faire rire les lecteurs. Mais c’est clair qu’à la lecture de mon bouquin, vous serez fascinés d’apprendre que les matières fécales foisonnent de propriétés profitables pour le monde vivant. »

Si une partie importante d’Apprendre sur le tas : la biologie des bouses et autres résidus de digestion porte sur les bienfaits des selles dans les univers végétal et animal, quelques pages sont néanmoins réservées à leurs effets positifs chez l’espèce humaine. L’une des informations les plus étonnantes qu’il a d’ailleurs mémorisées pendant ses recherches est relative aux humains : de plus en plus de patients infectés par la bactérie C. difficile auraient recours à ce qu’on surnomme la greffe de caca.

Boucar Diouf raconte avoir été étonné d’apprendre que cette curieuse opération chirurgicale s’avérerait l’une des façons les plus efficaces pour lutter contre cette bactérie très résistante. La fameuse greffe fécale permet en fait de transférer des bactéries intestinales d’une personne en santé vers un corps malade. « Eh oui! Qui aurait cru que le caca pouvait sauver des vies! », s’exclame-t-il.

D’après l’écrivain, les humains gagneraient à s’inspirer davantage des comportements animaux. Il affirme à cet égard que les animaux profitent depuis bien longtemps des propriétés guérissantes des excréments. « Les bébés des iguanes, par exemple, mangent les selles de leurs parents pour se bâtir un système immunitaire plus fort. C’est la même chose pour les éléphanteaux, les lapins et les koalas. »

Aux dires du biologiste, d’autres bêtes, telles que les chimpanzés, mangent parfois le caca de leurs proches quand ils ont des problèmes de digestion comme la diarrhée. Ils chercheraient dans ces bouses des nutriments pour se remettre sur pieds. « Nous devrions cesser de nous offusquer lorsque quelqu’un nous dit de “manger de la merde”, parce que ça pourrait nous soigner, à un moment donné », dit-il en rigolant.

Les savoirs que nous inculque l’ancien professeur universitaire dans ces quelque 131 pages s’avèrent aussi inusités que passionnants. La section sur la relation étroite que cultivent certains végétaux avec les excréments d'animaux se révèle particulièrement captivante.

Enfin, Boucar Diouf spécifie que les tabous liés au caca existent, et qu’ils font bien d’exister, en quelque sorte. « Les selles ne sont pas des jouets. Elles sont remplies de microbes, surtout celles déféquées par les humains. » Il précise qu’à l’époque où les techniques d’assainissement n’étaient pas efficaces, notamment en Europe, elles ont même causé la mort.


Si comme Boucar Diouf vous êtes fascinés par l'univers des excréments, ne manquez pas la diffusion de L'étonnant pouvoir du caca sur ICI Explora, le vendredi 26 avril à 21 h.