Donner une seconde vie à la drêche de brasserie

Un spécialiste en bière tient une poignée de drêche dans sa main.
crédit photo : iStock / SerhiiBobyk

Le nombre de microbrasseries qui ne cesse d’augmenter dans la province entraîne par la même occasion la production d’un précieux déchet, la drêche. Encore trop peu valorisée, cette matière organique est de plus en plus utilisée pour confectionner d’autres produits.

 

Qu’est-ce que la drêche?

La drêche est le résidu céréalier issu du brassage de la bière. Selon la Coop Boomerang, qui s’est donné pour mission de valoriser ce coproduit, une pinte de bière générera ainsi autant de drêche déshydratée; une quantité faramineuse de matière qui, faute d’être utilisée, prend le chemin de l’enfouissement.

Principalement produite à partir d’orge, et parfois avec de l’avoine, du blé et du maïs, la drêche possède des vertus nutritives insoupçonnées puisqu’elle est riche en protéines, en fibres et en minéraux. C’est donc en raison de ses qualités nutritionnelles et de son bas coût que les agriculteurs et agricultrices ainsi que les éleveurs et éleveuses de bétail et de volailles l’ont adoptée pour nourrir leurs bêtes.

 

De la microbrasserie à l’assiette

Ce coproduit offre tant de bienfaits qu’il a fait son apparition dans nos assiettes. Produits de boulangerie, granolas, craquelins, biscuits pour chats ou pour chiens : de nombreuses entreprises d’ici ont en effet vu en la drêche non seulement un excellent moyen d’offrir des aliments sains, mais aussi un produit qui s’inscrit dans une démarche d’économie circulaire.

« Composée de 70 % de fibres et de 20 % de protéines, en plus d'être une bonne source de fer, la drêche est super nutritive », explique Chloé Roy-Michel, copropriétaire de Saison 2, qui a eu l’idée d’en faire des craquelins. Si, jusqu’à récemment, l’entreprise créée en 2019 s'approvisionnait en drêche auprès de deux microbrasseries montréalaises dès la sortie de cette matière première des cuves, elle achète désormais cette dernière sous forme de farine à la Coop Boomerang.

« C’était tout un défi logistique, reconnaît Chloé Roy-Michel, qui souligne que la gestion de ce déchet encore trop peu valorisé représente un problème criant dans la métropole. Il fallait se coordonner avec le décuvage des microbrasseries, mais aussi stocker la drêche en respectant les règles de salubrité du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec (MAPAQ). »

Récupérée et exploitée à l’état humide par les agriculteurs et agricultrices de même que par certaines entreprises, la drêche doit la plupart du temps être transformée à des fins de conservation. Elle est alors utilisée sous forme de pâte, séchée ou moulue, comme le propose la Coop Boomerang, qui vient chercher la drêche chez les petites microbrasseries de l’île, avant de les déshydrater et de les moudre en farine.

 

Des produits de soins

Probablement moins connue pour ses bienfaits pour la peau et les cheveux, la drêche a pourtant sa place dans nos salles de bain. Encensée pour ses valeurs nutritives, elle comporte également des vitamines et des minéraux qui participent à notre santé capillaire, ainsi que des propriétés antibactériennes, exfoliantes et nourrissantes pour la peau. Plusieurs entreprises locales comme Mouvement Malté, Savonnerie des Diligences et Flonette, qui s’approvisionnait d'ailleurs en drêche du côté de Saison 2 jusqu’à ce que Chloé Roy-Michel se tourne vers la Coop Boomerang, offrent des produits issus du brassage.

 

Ustensiles et mobilier 

La drêche, nouveau matériau de fabrication pour les objets du quotidien? C’est l’idée derrière la jeune entreprise française Waste Me Up, qui propose de la vaisselle comme des tasses, des gobelets, des assiettes, des planches à découper ou encore des couverts fabriqués avec des biomatériaux. Pour ce faire, l’entreprise dissocie les protéines de la drêche – récupérée par un partenaire de l’entreprise pour en faire des biscuits apéritifs – des fibres, qui serviront à la conception de biomatériaux.

L’entreprise Instead, également établie en France, produit quant à elle du mobilier 100 % recyclable, composé de 98 % de drêche séchée et de 2 % de colle. Derrière cette innovation se cache un ébéniste de formation qui a constaté que ce coproduit de la bière fondait comme du caramel lorsqu’il est chauffé à haute température, avant de durcir une fois refroidi.