Philippines : notre baptême des entrevues

Philippines : notre baptême des entrevues

(Photo : Père Francis Lucas, président émérite de l'organisation non gouvernementale ANGOC)

Je vous entraîne une fois de plus dans mon périple d’un mois aux Philippines où je suis partie faire un webdocumentaire avec mon copain sur les différentes initiatives visant à permettre aux plus pauvres de se nourrir convenablement.

« Place la lumière comme ça… oh non, elle aveugle trop. Place la chaise dans cette direction pour que la personne me regarde dans cet angle. Il ne faudrait pas que la fin de la bibliothèque arrive juste derrière la tête de l’interlocuteur... ».

Nous avons pris le temps de bien organiser notre plateau de tournage pour nos premières entrevues, malgré le fait que le décalage horaire nous rattrapait.

Le premier personnage avec qui je me suis entretenu était le père Francis Lucas, président émérite de l'organisation non gouvernementale ANGOC. Il avait toute une personnalité! Il répondait à mes questions en s’emballant, en bougeant les bras et avec une telle expression sur son visage… c’était bien vivant.

Ensuite, nous avons fait une entrevue avec le directeur de l'organisme et l'employée qui m’avait aidée dans mon projet depuis le début. Après cette journée chargée, nous étions épuisés… mais voilà qu’ils nous ont offert de prendre un verre et un petit repas au restaurant Jay J’s. On n'a pas refusé!

Le lendemain, trois autres entrevues nous attendaient. Nous avons rencontré le coordonnateur de l’organisme People’s Campaign for Agrarian Reform Network, le directeur du Center for Agrarian Reform and Rural Development, ainsi que le directeur de Glow Corp, un organisme qui distribue à Manille le riz et le sucre biologiques en provenance des régions.

Nous avons eu droit à un résumé éclairant de la situation agricole au pays. Je dois dire que je ne m’attendais pas du tout aux réponses que j'ai obtenues. À les entendre, tout semblait rose au pays : les fermiers se tournaient de plus en plus vers l’agriculture biologique, le gouvernement faisait la promotion de ce type d'agriculture, la réforme agraire visant à redistribuer les grandes terres agricoles aux petits fermiers se portait bien. Rien de bien dramatique se tramait dans les champs à les entendre.

Il y avait toutefois des contradictions dans leur discours car lorsque je leur demandais de m’expliquer ce que leur organisation faisait, ils me disaient qu’ils travaillaient pour la réduction de la pauvreté en campagne et pour la sécurité alimentaire, c’est-à-dire pour que chacun ait accès à de la nourriture.

Toutefois, lorsque je leur demandais de me parler de cette insécurité alimentaire et de la pauvreté rurale, oups, ça n’existait pas vraiment… Alors j’ai eu l’impression que ces organismes ne voulaient que me brosser un tableau enjolivé de la situation agricole afin de montrer combien leur travail était bénéfique.

J’ai quand même pu leur soutirer des exemples de ce qui fonctionnait moins bien dans le système, mais j’ai bien l’impression que ce sera durant la suite du voyage que je connaîtrai l’envers de la médaille en parlant avec les fermiers directement.