Pourquoi aimons-nous autant le gras?

Une femme mange un hamburger.

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Les matières grasses semblent avoir la propriété quasi magique de rendre la nourriture alléchante. Elles sont au cœur de nos poutines, de nos croustilles ou de ces fromages que l’on aime tant. Qu’elles soient bonnes pour la santé, ou mauvaises dans l’excès, qu’est-ce qui fait en sorte que ces petites molécules graisseuses sont si irrésistibles? 

L’amour du gras, conscient ou non, semble être un trait humain universel. Les lipides savent satisfaire nos papilles gustatives et susciter des envies soudaines et presque irrésistibles pour des aliments qui ont souvent une grande densité calorique.

Selon Andréanne Michaud, professeure à l’Université Laval et chercheuse à l’Institut sur la nutrition et les aliments fonctionnels (INAF), cet intérêt pour le gras provient avant tout d'un désir de satisfaire nos besoins primaires, mais un phénomène d’accoutumance lié au cerveau est aussi en cause.

En fait, les études cliniques démontrent assez clairement que les aliments qui sont riches en graisses viennent augmenter notre préférence subséquente pour ce type d’aliments, en plus d'activer des circuits neuronaux qui sont impliqués dans le sentiment de récompense alimentaire, qui déclenchent une motivation à se procurer ces aliments-là. C’est sûr qu’il y a une question de goût quand même, c’est plus [savoureux], c’est plus appétissant, et nos circuits neuronaux jouent aussi un rôle [sur ce plan].

Tout comme pour le sucre, plus nous consommons du gras, plus nous avons envie d'en consommer. Quand des lipides ou des glucides sont ingérés, notre cerveau produit de la dopamine; un neurotransmetteur qui déclenche une sensation de plaisir. L’être humain se conditionne donc lui-même à vouloir en produire davantage, ce qui incite à consommer à nouveau le même type d’aliments. 

Une étude révélatrice

Pour illustrer l’effet du gras sur notre cerveau, Andréanne Michaud mentionne une étude menée cette année par la professeure Dana Small et son équipe de l’Université Yale.

Dans le but d’explorer les effets du gras et du sucre sur le cerveau, les scientifiques ont réalisé l’étude en question sur une période de huit semaines en demandant à des participants et à des participantes de consommer un yogourt par jour. Un premier groupe consommait un yogourt riche en lipides et en glucides, alors que le deuxième mangeait un produit faible en gras et beaucoup moins sucré.

Par la suite, toutes les personnes ayant participé à l’étude étaient invitées à boire un lait frappé riche en gras et en sucre pendant que leur cerveau était observé à l’aide d’une machine d'imagerie par résonance magnétique (IRM).

Des friandises ainsi que d'autres collations sucrées et grasses.

Les glucides et les lipides ont plusieurs effets similaires sur le cerveau.

Les cerveaux des participantes et participants qui ont été exposés à une alimentation plus riche en gras et en sucre pendant huit semaines ont montré une activité plus élevée des circuits neuronaux qui influent sur la motivation et le sentiment de récompense. 

Les responsables de l’étude ont aussi découvert que l’appréciation des produits faibles en matières grasses par ce groupe test avait diminué de manière significative à la fin de l’expérience.

« C’est comme un craving, je dirais! [Une nutrition qui comporte plus de gras et de sucre] va diminuer notre préférence pour les aliments qui en ont moins, en activant différentes régions du cerveau liées au sentiment de récompense. On peut donc penser que ça va nous pousser à conserver cette motivation à trouver le même genre d’aliments par la suite », résume Andréanne Michaud.

Quelle place laisser aux lipides dans notre alimentation?

Cette propriété des matières grasses à devenir de plus en plus attrayantes n’aide sans doute pas la réputation déjà bien ternie de ces macronutriments qui sont pourtant essentiels à notre alimentation. 

Le gras est souvent associé à l’obésité, aux maladies cardio-vasculaires et à la mauvaise santé en général. Andréanne Michaud possède toutefois un point de vue beaucoup plus nuancé sur celui-ci.

Ce n’est pas parce qu’un repas est plus riche en gras qu’il va nécessairement mener à une prise de poids. C’est une fausse croyance, un raccourci. Dans l’étude de l’Université Yale, les participants n’ont pas pris plus de poids que le groupe contrôle même s’ils étaient exposés à un yogourt plus riche en gras. Les gens font souvent cette fausse association-là, mais c’est la qualité alimentaire en général qui peut avoir un impact sur la prise de poids à plus long terme.

D’autres facteurs, comme la quantité de sel, de sucre, les agents de conservation ou la densité calorique d’un aliment doivent être considérés avant tout afin de savoir si un produit à sa place ou non dans une alimentation saine.

« Les gras ont leur place dans notre alimentation et on en a aussi besoin pour être en santé, pour le fonctionnement de notre corps. Les exclure n’est pas une approche qui va nécessairement mener à la santé. Ce que l’on avait initialement identifié comme délétère pour la santé, les gras de types trans ou saturés, maintenant, avec les nouvelles études, ce n’est plus aussi clair qu’on pensait », conclut Andréanne Michaud.

Pour une nutrition équilibrée, qui laisse sa place aux matières grasses, la chercheuse de l’INAF encourage simplement la population à suivre les recommandations du guide alimentaire canadien : une alimentation plus végétale, avec une bonne quantité de fibres et de protéines.