Santé mentale : le numérique à la rescousse

Une thérapeute rencontre un patient à distance.
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Les outils numériques sont un atout indispensable en matière de santé mentale, et les deux dernières années l’ont bien prouvé. Sans être une panacée, ils ont permis de maintenir le contact entre les thérapeutes et leur patientèle en plus de donner accès à des ressources en ligne pour pallier le manque de services. 

La pandémie a été un moment décisif pour le milieu de la santé mentale. Les confinements, le manque de personnel et les grands besoins en matière de psychothérapie ont forcé une adaptation rapide et efficace des outils numériques dans le milieu.

« Ça a été une adaptation essentielle pour répondre aux besoins des gens avec un trouble de santé mentale. Ça a permis à ces gens-là de continuer les traitements psychothérapeutiques qu’ils recevaient », explique le Dr Stéphane Guay, psychologue et directeur scientifique du Centre de recherche de l'Institut universitaire en santé mentale de Montréal (CR-IUSMM).

Tout comme la télémédecine, les consultations ou les thérapies à distance sont maintenant beaucoup plus répandues qu’avant, et elles ont fait leurs preuves dans certains contextes en ce qui concerne leur efficacité.

En 2009, 2010 et 2011, mon équipe et moi avons publié des articles sur le sujet, après avoir traité des gens par visioconférence, en télésanté mentale. Même sans les beaux écrans d’aujourd’hui, nous avons pu démontrer que ce type de traitement était aussi efficace que ceux en personne pour traiter le stress post-traumatique.

Durant cette étude, l’équipe du Dr Guay a comparé un groupe qui suivait des thérapies en personne à Montréal et un autre situé en Outaouais qui était traité à distance. 

« On a évalué l’efficacité, mais aussi la qualité de l’alliance thérapeutique puisque c’était une des inquiétudes des cliniciens, et elle était équivalente à distance et en personne. »

Rencontrer des psychologues, thérapeutes ou spécialistes à partir de chez soi est donc une option aujourd’hui, mais la demande est toujours très grande et le temps d’attente peut être long selon le type de spécialiste. 

Heureusement, il n’y a pas que les thérapies ou les consultations à distance qui ont connu un essor depuis le début de la pandémie. D’autres ressources numériques ont émergé en réponse au manque d’accès à certains services en santé mentale.

 

Des outils à découvrir

Recommandée par le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS), la plateforme en ligne Aller mieux à ma façon offre des conseils et de l’information dans une perspective d’autosoin. Bien sûr, le site souligne qu’il ne s’agit pas d’un remplacement de la psychothérapie ou de la médicamentation, mais bien d’un complément.

C’est une ressource qui peut être très utile en attendant un rendez-vous avec une personne qualifiée.

« C’est une plateforme d’autosoin développée par une chercheuse du CR-IUSMM qui s’appelle Janie Houle. Elle permet aux gens de développer et d’expérimenter différentes stratégies d’autosoins pour leurs problèmes de dépression et d’anxiété. C’est un outil qui avait été validé par le passé sous une forme papier-crayon, il a été adapté pour une plateforme web », précise Stéphane Guay.


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Différentes applications mobiles peuvent aussi aider avec l’autosoin. Il y a par exemple l’application iSmart, pour aider à gérer les problèmes de stress chronique, ou Crise, qui donne accès à un bottin des ressources accessibles dans le secteur immédiat en cas de détresse psychologique.

Ces outils ne peuvent pas faire de miracles à eux seuls, mais ils permettent d’orienter les utilisateurs et les utilisatrices vers des ressources appropriées ou de les guider temporairement avec des conseils.

« Beaucoup de patients sont en attente et encore plus ne vont jamais aller consulter. Il faut pouvoir les rejoindre, et c’est un des gros avantages des outils numériques tels que les applications mobiles et la plateforme web; on peut rejoindre les gens là où ils sont », renchérit le directeur scientifique du CR-IUSMM.

 

Les limites du numérique

Les ressources numériques ont toutefois des limites. Comme le précisait Stéphane Guay, elles doivent généralement être accompagnées de traitements traditionnels adéquats.

Dans le cas des applications, elles doivent aussi avoir été créées en coopération avec des spécialistes de plusieurs milieux, et leur efficacité doit avoir été évaluée par des organisations compétentes. 

Il faut un certain travail d’équipe entre différentes parties qui n'ont pas toujours l’habitude de travailler ensemble. Ça comporte des défis et c’est pour ça que c’est un processus plus long, mais c’est nécessaire : il faut assurer la sûreté de ces outils numériques là pour ne pas mettre les utilisateurs à risque.

Le psychologue explique aussi que ces ressources doivent être accessibles et adaptées à différentes réalités. 

« Si l’on pense à développer une application mobile, il faut qu’elle soit accessible, qu’elle ne coûte pas trop cher, puisque les populations vulnérables doivent aussi y avoir accès. Ce n’est pas non plus tout le monde qui a accès à Internet de manière prolongée. C’est des choses à prévoir qui font partie des multiples défis à relever. »

 

Un colloque pour faire le tour de la question

L’avenir de ces outils numériques et les ressources émergentes alimentent les discussions cette semaine lors d’un colloque au Congrès de l’Acfas, un événement qui rassemble les scientifiques de différents milieux.

Le colloque sert de tremplin pour ouvrir des discussions et une réflexion sur la manière d’accélérer à la fois le développement et l’utilisation des outils numériques.

Les conférences portent notamment sur l’utilisation des nouvelles technologies, comme la réalité virtuelle, pour aider au traitement des troubles de santé mentale.

« Il y a des outils avec la réalité virtuelle qui peuvent être utilisés pour traiter des choses comme des phobies ou des stress post-traumatiques. Actuellement, on a aussi une équipe au centre de recherche qui utilise des avatars pour aider les personnes souffrant de schizophrénie à mieux gérer les hallucinations auditives qu’elles vivent chaque jour », explique le Dr Stéphane Guay.

D’autres études en cours concernant différents outils numériques y sont aussi présentées, avec les défis qui sont liés à leur conception.