À quel point ce qu'on jette au bac est-il réellement recyclé?

À quel point ce qu'on jette au bac est-il réellement recyclé?

Yann Gauthier

Ce n’est un secret pour personne, une partie des matières résiduelles que la population québécoise met à la récupération n’est pas recyclée une fois arrivée en centre de tri. Il semble légitime que le citoyen triant soigneusement ses détritus veuille connaître le pourcentage décrivant l’ampleur de ces pertes. Il faut ensuite creuser pour déterminer comment la province pourrait améliorer son bilan général quant à cette facette du développement durable.

Tout d’abord, il faut éclaircir la fine ligne distinguant la récupération du recyclage. Trier les déchets qui vont dans le « bac vert » et organiser leur collecte sélective : voilà ce qu’est la récupération. Le recyclage, c’est l’étape suivante : la réutilisation d’un rebut en le faisant entrer dans un nouveau cycle de production plutôt que d’avoir recours à du matériel neuf.

Portrait actuel de la récupération et du recyclage
Si l’on cherche simplement à savoir quelle proportion de ce que nous déposons à la récupération est recyclée en centre de tri, la réponse est fort encourageante. En 2015, un peu plus de 90 % de cette matière a officiellement été recyclée, ce qui permet de constater que moins d’une centaine de grammes par kilo jeté au bac de récupération n’a finalement pas trouvé sa place dans le cycle ! La faible perte découle entre autres des items non recyclables que les gens mettent parfois à la récupération par mégarde et de la contamination par des déchets souillés.

Cependant, s’arrêter à ce point serait passer à côté de la vraie question que l’on doit se poser, c’est-à-dire : à quel point l’ensemble des matières résiduelles engendrées au Québec sont-elles recyclées ? On ne négligerait alors pas la polémique entourant les matières non recyclables qui gagneraient à le devenir, notamment certains plastiques.

Ce qui est recyclé versus ce qui pourrait l’être
Même si la rigueur des gens à récupérer était à son maximum, cet élan serait ralenti par un obstacle encore bien réel aujourd’hui : l’existence de composés qui ne sont pour l’instant pas recyclables. Les données dévoilées par RECYC-QUÉBEC en 2017 montrent que la province québécoise n’a pas réussi à atteindre un objectif au cœur du plan d’action 2011-2015 visant la gestion de ses matières résiduelles, celui de recycler 70 % du papier, du carton, du plastique, du verre et du métal résiduels. Plus précisément, le taux de recyclage de ces matières au Québec a connu une régression entre 2012 et 2015, descendant à 54 %.

En inspectant le Bilan 2015 de la gestion des matières résiduelles au Québec, on met rapidement le doigt sur les matériaux responsables de ces résultats en baisse. Les taux parlent d'eux-mêmes. Bien que 79 % du papier/carton et 49 % du métal soient recyclés, les pourcentages relatifs au verre et au plastique sont respectivement de 14 % et 18 %. Le défi réside dans le fait de trouver des industries intéressées à se procurer ces matières en fin de vie utile afin de les utiliser à titre de matières premières.

En résumé, 90 % de ce que nous mettons dans le « bac vert » est recyclé, mais seulement 54 % des matières qui gagneraient à être recyclables sont recyclées. Il reste donc à trouver une utilité aux déchets qui ne sont pas recyclables afin qu’ils le deviennent.

Source : RECYC-QUÉBEC

La racine du problème
En ce qui a trait au verre, la complication provient du fait que l’acquéreur de 70 % du verre au Québec, l’usine Klareco, a cessé d’être en fonction il y a de cela 5 ans. Depuis, la solution de rechange employée est d’octroyer au verre les rôles de matériau de recouvrement dans les lieux d’enfouissement technique (LET) et de sous-fondation de certains chemins d’accès dans ces LET. Cette alternative est considérée comme une valorisation à faible valeur ajoutée qui doit demeurer temporaire.

Une des difficultés reliées aux plastiques est l’existence de plusieurs types de polymères distincts qui doivent généralement être traités chacun à leur façon (comme l’indiquent parfois les chiffres 1 à 7 moulés au fond des contenants récupérables). De plus, il y a la catégorie 6 qui trouve rarement preneur au Québec pour réintégrer le cycle d’utilisation.

La clef : l’innovation
Or, il existe des procédés qui ne sont pas encore en place, mais qui sont présentement à l’étude pour optimiser le recyclage de ces deux matières un peu plus récalcitrantes. Par exemple, l’idée de l’imposition d’une consigne sur les bouteilles de la Société des alcools du Québec est discutée depuis quelques années. Le sujet est d’autant plus sérieux lorsqu’on sait que les bouteilles de vin représentent approximativement la moitié du verre récupérable dans les ménages québécois. Une autre piste de solution actuellement envisagée pour augmenter la mise en valeur de ce résidu repose dans la possibilité de l’incorporer dans de nouvelles recettes de matériaux de construction. On commence ainsi à le retrouver de plus en plus dans des chaussées, des trottoirs et des pavages nouveau genre.

Dans l’optique de contourner la problématique des plastiques hétéroclites, l’entreprise Plastiques Terra Nova souhaite concrétiser d’ici la fin de l’année 2018 un projet permettant de valoriser des milliers de tonnes de plastiques mixtes en les convertissant en produits finis. Le résultat global serait l’implantation, à l’échelle commerciale, de divers produits de plastique moulé dont possiblement des palettes de transport.

En somme, l’industrie du recyclage au Québec peut se vanter de recycler la vaste majorité de ce que les citoyens mettent à la récupération, mais il y a encore du chemin à faire pour que davantage de matériaux deviennent recyclables. Justement, des firmes spécialisées sont en train de repousser les limites de la valorisation de nos rebus. Espérons que le prochain bilan en sera d’autant plus positif !

Regardez la sérieRecyclage extrêmeles vendredis à 18h30 sur ICI Explora.