Les 4 questions sans réponse du virus zika

Les 4 questions sans réponse du virus zika

Si la peur de 2015 s’est appelée Ebola, celle de 2016 s’appellera peut-être Zika. Virus dangereux pour les femmes enceintes ? En train d’envahir les Amériques ? En réalité, on n’en est pas sûr, comme en témoignent les trois questions qui laissent les experts perplexes.

Est-il soudain devenu plus virulent ?

Non, mais après mûre réflexion, peut-être que oui. Zika continue pour l’instant d’être classé dans la catégorie des virus « émergents ». Depuis 1947, date de son identification en Ouganda, il n’avait jamais quitté l’Afrique et l’Asie, et ses éclosions avaient toujours été mineures. Les infectiologues expliquaient donc la crise actuelle par le fait que les Sud-Américains n’avaient jamais développé d’immunité contre ce virus. Détecté pour la première fois au Brésil en mai 2015, il a déjà été contracté par un million et demi de personnes et il a été signalé dans une quinzaine de pays des Amériques. Dans la grande majorité des cas, les personnes infectées ont des symptômes sans gravité s’apparentant à une grippe.

Or, l’hypothèse de l’immunité naturelle, souvent répétée ces dernières semaines, est remise en cause. Paolo Zanotto, de l’Université de Sao Paulo au Brésil, et Scott Weaver de l’Université du Texas, sont parmi ceux qui prétendent qu’une mutation est à l’œuvre. Avant 2000, disent-ils, le zika semblait se transmettre — par l’intermédiaire du moustique Aedes — moins facilement d’un humain à l’autre. Et on ne l’avait jamais associé aux problèmes neurologiques dont il est question à présent, encore moins à ce développement anormal du cerveau des fœtus, appelé microcéphalie.

La mutation, s’ils ont raison, serait apparue en Asie du Sud-Est dans les années 2000, et serait responsable de l’infection de l’île de Yap, dans le Pacifique, en 2007, puis d’une éclosion massive en Polynésie française en 2013.

Est-on sûr qu’il est responsable de la multiplication des cas de microcéphalie ?

Là non plus, pas de certitude. Le lien a d’abord été fait par le ministre brésilien de la Santé en novembre, devant l’augmentation anormale du nombre de bébés nés avec des cerveaux plus petits que la normale, en particulier dans le nord-est du pays. Le 22 janvier, l’Organisation mondiale de la santé évaluait à 4 000 le nombre de cas possibles de microcéphalie, plus de 30 fois le taux normal au Brésil.

Les chercheurs croient que l’infection est dangereuse pendant les trois premiers mois de la grossesse. S’ils ont raison, le phénomène pourrait bientôt se répandre au reste des Amériques, du moins là où le moustique peut frapper. Le Canada et le Chili sont épargnés, leur climat ne permettant pas au moustique Aedes de survivre.

Pourquoi une mutation permettrait-elle d’attaquer un fœtus ?

C’est la dernière des questions qui laissent les chercheurs perplexes. Qu’un virus jusque-là cantonné aux animaux subisse une mutation qui le rend apte à « sauter » d’un humain à l’autre est normal : dans la grande chaîne de l’évolution, le virus découvre de nouvelles façons de prolonger son existence. Mais une mutation qui lui permet de franchir la barrière du placenta ressemble plutôt à un cul-de-sac évolutif, ou du moins, certainement pas une façon efficace de se transmettre à d’autres personnes. Scott Weaver a émis l’hypothèse que la mutation du zika, ces dernières années, lui permettrait d’être présent en plus grande concentration dans une goutte de sang, ce qui augmenterait ses chances d’être ramassé par un moustique. Le fait de pouvoir franchir la barrière entre la mère et l’enfant, à travers le sang de la mère, serait une conséquence statistique de cette plus grande abondance.

Existe-t-il un vaccin ?

Non, mais paradoxalement, l’hypothèse de la mutation ouvre une porte. Dans ses travaux sur le virus, Paolo Zanotto a identifié des molécules qui ressemblent à celle du virus de la dengue. On sait que le moustique-tigre Aedes peut aussi transporter le virus de la dengue, entre autres. Beaucoup d’études sont en cours au Brésil pour tenter de trouver un lien, mais déjà, un porte-parole de la compagnie pharmaceutique française Sanofi, qui a obtenu en 2015 l’approbation pour la mise en marché d’un vaccin contre la dengue, a dit au Guardian qu’on explorait ce lien.

Le 25 janvier 2016, un groupe d’experts appelait l’OMS à former un comité d’urgence pour coordonner la recherche et la réponse au zika, comme cela avait été fait en 2014 pour l’Ebola — avec bien du retard, avait reproché à l’époque Médecins sans frontières.